Transmission du patrimoine

Il y a quelques jours, j'ai répercuté vers mon aîné un appel à candidatures de la Fondation pour les monuments historiques au sujet de ses prix de restauration, en l'incitant à concourir.

Voici ce qu'il me répond ce matin : "Est-ce que ce n'est pas un peu trop tôt pour soumettre un dossier ? Une toiture suffit-elle à assurer un prix à elle seule?
Au vu des dossiers présentés les autres années, il me semblait que les projets étaient nettement plus aboutis...
ou alors j'ai raté un angle de présentation qui rendrait la restauration du colombier et des écuries particulièrement intéressante."

Je suis d'avis que le travail réalisé par M. MAFFRE et la S.A.R.L. BOUSSIN-LIEGEAS est, à lui seul, d'une qualité telle que ce prix ne serait pas volé. Surtout, j'incite mon aîné à explorer les arcanes de ce type de concours en effectuant un tour de chauffe, afin qu'il soit très compétitif dans l'avenir. Par exemple, dès cette fois-ci, pourquoi ne pas essuyer les plâtres avec une candidature à un prix régional ?
Débat assez animé hier soir à la table familiale : je suis d'autant moins enclin à abandonner mon idée de bibliothèque à la place de l'ancienne cuisine du bâtiment Nord que les rangements auxquels je procède ces jours-ci me confirment que mes bouquins s'abîment dans les endroits divers où j'ai dû les stocker depuis 25 ans. En outre, retrouvant mes livres d'enfance, je me dis que ce serait bien agréable de réunir ma descendance dans une pièce lumineuse et de bonne taille où tout inciterait cette jeunesse à lire des ouvrages que je pourrais leur signaler et dont nous pourrions discuter.

Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Mardi 9 Février 2016
Journal du chantier - Maçonnerie-carrelage - Cave - Désultoirement vôtre ! - Transmission du patrimoine
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Sans surprise pour moi, mon aîné m'a confirmé ce week-end qu'il ne mettrait pas un kopeck dans la restauration de la cave puisque je l'empêche d'en modifier les ouvertures, c'est-à-dire d'en créer de nouvelles et d'en élargir d'autres. J'avais pourtant dû, si ma mémoire est bonne, lui faire cadeau des parts de la S.C.I. propriétaire (ou nu-propriétaire, je ne m'en souviens plus) de ce bâtiment, à charge pour lui d'en poursuivre la restauration sur la base des plans de Nicolas GAUTIER, A.B.F., qui me semblaient très bons.

Mon aîné persiste à trouver que l'habitabilité de ce bâtiment est impossible dès lors que je me cramponne à ces plans, mais il ne se prive cependant pas de me reprocher d'avoir enduit intérieurement de simple chaux les murs extérieurs du rez-de-chaussée. Il aurait été indispensable, selon lui, que je prévoie un mélange de chaux et de chanvre afin d'améliorer l'isolation thermique des murs.

Je suis beaucoup moins calé que lui. J'ai néanmoins demandé à Igor de suspendre la fin de ses travaux d'enduits intérieurs afin que nous nous renseignions.

Peut-être auprès de M. PICAULT. Si toutefois ce dernier réapparaît sur le chantier, ce qu'il tarde à faire. Aux dernières nouvelles, son fournisseur n'avait pas assez de laine de verre en stock.

Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Mercredi 10 Février 2016
Journal du chantier - Administration - Maçonnerie-carrelage - Cave - Désultoirement vôtre ! - Transmission du patrimoine
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Mon aîné trouve que j'exagère en rapportant à ma façon ses faits et gestes sur notre site favori. Ceci me confirme en tout cas qu'il suit le dossier avec attention. Il rappelle que, s'il n'a pas donné suite au projet de restauration de la cave, c'est uniquement parce que j'ai changé de pied, après avoir accepté, à moment donné, que de nouvelles ouvertures soient percées dans la façade Sud de ce bâtiment.

J'ai en effet le vague souvenir que ma mémoire des autorisations obtenues a faseillé un moment. Le fait est que, avec tant de travaux à gérer malgré tant de contraintes de toutes parts, il peut m'arriver de perdre un peu mon latin.

Dont acte, Bibo ! Tu verras, quand tu auras mon âge, si tu ne sucres pas plus les fraises que ton vieux père...

Importante conversation téléphonique hier soir avec mon interlocutrice normale à la D.R.A.C. de Caen. Importante, moins par le contenu que par la tonalité. J'ai en effet été très sensible à l'empathie témoignée pour l'effort de 25 ans de travaux sur un manoir parmi beaucoup d'autres, dans un monde où l'on voit, notamment par ici, une forte proportion de belles demeures partir à la dérive. Mes contraintes sont connues, pas seulement la financière, et connu également mon souci de passer, dans de bonnes conditions, le relais à la nouvelle génération.

Sur le fond, le dossier sur lequel nous attendons la réponse est sur le bureau du conservateur régional des monuments historiques, avec un long compte rendu des services qui sont entrés finement dans le détail de la question. Pour la suite, j'ai rappelé mes souhaits d'engager dès que possible la restauration des menuiseries extérieures ainsi que de fournir à mes successeurs un cadre réfléchi pour les restaurations intérieures du logis à venir ; en l'état des finances publiques, ces choses sont compliquées à organiser mais, espérons-le, pas impossibles. Enfin, j'ai fait part de mon intention d'expérimenter l'isolation thermique à l'occasion de la poursuite de la restauration de la cave et mon interlocutrice a proposé de me fournir des adresses utiles à l'échelon régional.

P.S. du 11 mars 2016 : Ma correspondante m'a adressé un courriel pour m'indiquer à qui m'adresser pour l'isolation thermique de la cave :
- rénovation thermique sur le patrimoine ancien (programmes co-développés avec le ministère de la culture) ;
- aides.

Elle me rappelle également que, la cave étant inscrite (arrêté de 1926), ces travaux devront faire l'objet d'une autorisation préalable des services des affaires culturelles.
Coup de fil de M. MAFFRE cet après-midi. Il viendra, le 30 mars prochain, réceptionner les grilles de Roland FORNARI au premier étage du logis.

Dans la foulée, nous préciserons sa mission à venir relative à la restauration intérieure du logis. Mes idées sont enfin claires :
- la cuisine sera réinstallée dans le bâtiment Nord ;
- mon bureau sera transféré au rez-de-chaussée de la tour Nord-Est, actuelle chambre du cadet qui émigrera dans le fournil de la ferme ;
- mon ancienne chambre du 1er étage du logis sera restaurée, sa salle de bains avec baignoire (la 1ère de la Chaslerie, du moins sous ma gouverne) sera installée au 1er étage de la tour Nord-Est ;
- on prévoira une isolation thermique de la couverture du logis et on renforcera le sol des combles afin de pouvoir y entreposer des objets lourds comme mes archives qui pourront libérer les combles de la tour Louis XIII ;
- la chaudière sera, à ce stade (c'est-à-dire de mon vivant), maintenue dans la partie reculée du bâtiment Nord ;
- le financement de la restauration du salon du logis et de la salle dévastée de l'étage sera laissée au bon cœur (???) de mes ayants-droit, qui seront encouragés à mettre la main au porte-monnaie, mais les principes des travaux en question auront été définis par M. MAFFRE (je précise que le meilleur parti que j'entrevois pour la salle dévastée est un avenir de chambre de maître de 60 m2, avec salle-de-bains dans la tour attenante).

Le cadet me fait observer à juste titre que, dans le fournil de la ferme où il va coucher ce soir pour la première fois, la cabine de douche n'est pas assez haute pour lui et qu'il faudra faire poser le pommeau de douche à une hauteur suffisante pour qu'il puisse l'utiliser. De même, le linteau du passage vers la kitchenette est trop bas pour lui et risquerait de le scalper.

Il faudra en effet que, lors des prochains travaux, j'intègre la réalité de la dégénérescence de l'espèce : 1 m 95, on n'a pas idée d'être aussi grand ; j'avais, sans y réfléchir davantage, calibré ces installations pour mon 1 m 87 !

Au courrier ce matin, la réponse tant attendue de la D.R.A.C. :

A première vue, l'analyse à laquelle s'est livrée la conservation régionale des monuments historiques est très approfondie et prend en compte toute la complexité du problème.

En liaison avec M. MAFFRE, mon aîné et moi allons étudier cette lettre avec la plus grande attention en vue d'appliquer, dans un esprit très positif, toutes ses recommandations.
Mon aîné me demandait hier soir quelles étaient mes priorités immédiates pour notre chantier favori. Le courrier enfin reçu de la D.R.A.C. nous conduit en effet, l'un et l'autre, à reconsidérer nos positions. Du côté du fiston, c'est assez facile puisque tout aménagement intérieur de son aile était suspendu dans l'attente de cet oracle ; le gaillard va, tout simplement, pouvoir reprendre ses discussions sur son programme de travaux avec M. MAFFRE qui dispose désormais, sinon d'un blanc-seing de la D.R.A.C., du moins, nous semble-t-il, de la confirmation d'un préjugé favorable, ce qui va suffire pour avancer.

De mon côté, je vais également reprendre l'attache de M. MAFFRE afin que, sur la base des recommandations de la D.R.A.C. et en liaison, prioritairement, avec Pascal BRESSON pour la menuiserie et Roland FORNARI (qui paraît en voie de plein rétablissement) pour la ferronnerie, il dessine très précisément les châssis des portes et fenêtres de mon lot à restaurer (la plupart sur le logis et deux autres sur le bâtiment Nord et le mur Nord). Il s'agira de disposer d'un dossier fin prêt pour permettre dans les meilleurs délais la transmission à la D.R.A.C. de demandes dûment documentées d'autorisation et de subvention. En ce qui concerne les subventions, les guichets paraissent fermés actuellement mais, par expérience, je sais qu'il faut toujours tenir au chaud un dossier qu'on peut présenter dès qu'un créneau apparaît, ce dont les occasions ne manquent jamais tant la gestion publique (j'ai toujours eu du mal à ne pas rigoler quand j'ai vu ces deux mots accolés) est, selon moi, faite d'incessants et irrépressibles stop and go.

Je me doute que j'aurai du mal à obtenir une réponse assez rapide à mes yeux de la part de M. MAFFRE, même si le fiston et moi allons nous coaliser pour conjuguer nos efforts dans l'espoir de le mobiliser. Je ne dois donc, de mon côté, pas relâcher mes pressions sur les autres fronts, même si, point déterminant, mes possibilités financières sont désormais en cours de rétrécissement rapide et inexorable.

En ce qui concerne le fournil de la ferme, la prochaine étape des réflexions concernera la kitchenette. Elle sera conditionnée par le choix d'un évier. Les éviers en pierre que j'ai vus chez MDY sont très beaux mais hors de prix. Mais je me souviens qu'il y en avait de beaucoup plus abordables chez Scandilodge où je vais donc repasser une tête lors de ma prochaine incursion à Paris. Quoi qu'il en soit, l'aménagement de la kitchenette ne présente pas une forte urgence pour moi, d'autant que ma belle-fille préfère toujours, comme elle me l'a encore montré ce week-end, s'installer dans la grande chambre en soupente du bâtiment Nord plutôt que dans le fournil de la ferme ; comme mon aîné, elle trouve cette dépendance trop éloignée du manoir.

Pour ce qui est de la cave, j'attends que le sous-traitant de M. PICAULT vienne couler la dalle définitive de l'étage ; il me semble que le béton allégé est archi-sec donc que cette intervention pourrait avoir lieu d'un jour à l'autre, au choix du maçon. Au-delà de la dalle, j'en suis toujours à essayer de m'orienter dans les marécages administratifs de la rénovation thermique, ceux de l'Ademe avec qui je poursuis mon dialogue et ceux de l'A.N.A.H. dont j'attends la reprise de contact. Je crains que les uns et les autres ne m'enquiquinent outre mesure avec leur insistance à faire effectuer les travaux par des artisans labellisés ; l'entreprise BOUSSIN m'a ainsi appris qu'elle avait présenté son dossier pour être habilitée RGE mais qu'elle attend de passer en commission, sans en connaître la date. Comme les financements de la région doivent, en l'état de la réglementation, être sollicités avant la fin de 2016, mon prurit écolo risque de disparaître rapidement, ce qui renverrait aux calendes grecques la poursuite de la restauration de cette autre dépendance.

Par voie de conséquence, la restauration, dans le bâtiment Nord, du cabinet de toilettes attenant à ma chambre mortuaire et, surtout, celle de la cuisine pourraient reprendre des couleurs dans les prochains mois. Pour ce qui concerne la cuisine, j'avoue que je ne serais pas scandalisé que Carole m'indique combien elle serait prête, de sa poche, à mettre au pot. Je précise à toutes fins utiles que je ne veux pas qu'on en rabatte, ici plus qu'ailleurs, sur la qualité (à ce sujet, je me déclare inquiet après avoir entendu, hier au dîner, ma belle-fille nous faire part de ses idées en la matière ; à l'évidence, l'on cherche à se prémunir contre les exigences réitérées du Bon-Papa et je n'aime pas trop cela ni devoir les rabâcher).
J'ai envoyé hier seulement ma demande de paiement de la subvention que m'avait accordée la D.R.A.C. il y a un an pour l'étude de diagnostic de M. MAFFRE relative aux menuiseries extérieures du manoir.

J'avais pourtant réglé les factures correspondantes il y a plus de 6 mois. Mais j'ai cru devoir attendre, par simple courtoisie, que la conservation régionale des monuments historiques émette son avis et ses recommandations, alors que rien ne m'y obligeait.

J'ai réussi à joindre M. MAFFRE par téléphone ce matin. Il va préparer le devis de son intervention de maîtrise d'œuvre complète pour la restauration des menuiseries extérieures du logis. Je sens que ça va faire mal.

Je lui ai rappelé les commandes d'études en vue de l'aménagement intérieur du logis et de l'"aile de la belle-mère".

Hier après-midi, sans que je m'y attende, alors que nous discutions de choses et d'autres en flânant dans l'avant-cour où il avait entrepris de ratisser l'herbe, mon aîné m'a fait part de son désir d'installer un atelier sous la charretterie, pour qu'il puisse y entreposer des outils et y bricoler, et de son souhait de rétablir une dépendance en colombages, pour abriter les tracteurs et la mini-pelleteuse qui encombrent actuellement ce bâtiment. Nous avons discuté de ces hypothèses que je trouve intéressantes.

C'est la première fois qu'à propos de notre manoir favori, mon aîné pense devant moi "out of the box". Jamais en effet, je n'avais de mon côté émis de telles idées.

J'en suis très heureux car ceci m'indique qu'il en est arrivé à s'approprier intellectuellement ce projet si particulier et que j'ai conçu dès le départ comme devant être familial. J'aurais donc choisi le bon successeur... Touchons du bois !

Call it counterintuitive clickbait if you must, but Forbes’ Pascal-Emmanuel Gobry made an intriguing argument when he granted the title of “Language of the Future” to French, of all tongues. “French isn’t mostly spoken by French people and hasn’t been for a long time now,” he admits,” but “the language is growing fast, and growing in the fastest-growing areas of the world, particularly sub-Saharan Africa. The latest projection is that French will be spoken by 750 million people by 2050. One study “even suggests that by that time, French could be the most-spoken language in the world, ahead of English and even Mandarin.”

I don’t know about you, but I can never believe in any wave of the future without a traceable past. But the French language has one, of course, and a long and storied one at that. You see it visualized in the information graphic above (also available in suitable-for-framing prints!) created by Minna Sundberg, author of the webcomic 'Stand Still. Stay Silent'. “When linguists talk about the historical relationship between languages, they use a tree metaphor,” writes Mental Floss’ Arika Okrent. “An ancient source (say, Indo-European) has various branches (e.g., Romance, Germanic), which themselves have branches (West Germanic, North Germanic), which feed into specific languages (Swedish, Danish, Norwegian).”

Sundberg takes this tree metaphor to a delightfully lavish extreme, tracing, say, how Indo-European linguistic roots sprouted a variety of modern-day living languages including Hindi, Portuguese, Russian, Italian — and, of course, our Language of the Future.

N.D.L.R. : Inattendu.

Malgré sa promesse, M. DELTA n'est pas passé ce matin. Pour installer l'évier de la kitchenette, il a envoyé son employé, qui n'était pas pourvu de la documentation attendue sur les sanitaires ni de la bonne bonde qu'il a dû, paraît-il, aller chercher à Flers (pendant ce temps, le compteur tourne à mon détriment)...

13 juin 2016.

13 juin 2016.

... et qui s'est en outre avéré incapable de faire en sorte que le robinet dudit évier débite autre chose qu'un minable filet d'eau, au demeurant exclusivement froide :

13 juin 2016.

En revanche, le mitigeur thermostatique de la douche, qui remplace le provisoire, me satisfait tout à fait :

13 juin 2016.

Mais, si je récapitule, j'ai dû appeler M. DELTA une nouvelle fois ce matin. Une nouvelle fois, il m'a promis qu'il passerait dans l'après-midi avec les catalogues. Bien entendu, une nouvelle fois, M. DELTA n'a pas tenu parole.

On voudra bien admettre que mes limites de patience à l'égard de ce plombier sont désormais atteintes.

P.S. : A noter qu'en vérifiant comment coulait l'eau au lavabo voisin...

13 juin 2016.

... je me suis demandé s'il ne faudrait pas apposer un message du genre "On est prié de laisser l'endroit dans l'état où on l'a trouvé en entrant".

P.S. du 15 juin 2016 : J'ai parlé ce soir à mon aîné. Je l'ai gentiment invité à ne pas me saloper de la sorte ce cabinet de toilettes. Il m'a très calmement rappelé que, le week-end dernier, les plombs avaient sauté et qu'Igor était resté injoignable alors qu'il avait embarqué les clés du local où se trouvent les fusibles. Donc la jeune classe concernée avait dû se laver dans le noir. Dont acte.

Mon fiston a (presque) réponse à tout. Qualité FOURCADE...

Sonia et Philippe avaient insisté, dans l'après-midi, pour que je prenne part à leur dîner de mariage et j'avais fini par accepter. Je me suis donc rendu au manoir de la Nocherie (endroit dont je découvrais la dimension gastronomique dans un cadre que j'ai trouvé très agréable) où j'ai eu la surprise d'être placé à la table des mariés, en bout de table précisément, avec vue sur l'ensemble de l'assistance.

En m'accueillant, Sonia m'avait cité les noms de mes deux voisins immédiats, une de ses amies architecte à Caen et un père jésuite reconnaissable par moi grâce à l'insigne qu'il portait au revers de la veste. Réagissant au nom de ce dernier, je lui avais dit qu'il ne m'était pas étranger même si je ne situais plus où je l'avais entendu. Il m'avait répondu que je confondais peut-être avec un ministre homonyme (N.B. : mes recherches ultérieurs sur la toile m'ont montré qu'ils étaient cousins) ou un autre personnage (dont j'ignorais l'existence et dont je n'ai pas retenu le prénom ni la fonction).

Ce père jésuite m'ayant rapidement informé qu'il enseignait à Sciences Po, je lui ai fait part de ma scolarité dans cet établissement (qui y avait duré, en tout et pour tout, trois séances de conférence de méthodes, dont j'étais sorti persuadé que je maîtrisais suffisamment les plans en deux parties pour me dispenser de la suite), ainsi que du fait que j'y avais enseigné, il y a 35 ans, pendant deux années scolaires consécutives, les "techniques des marchés de l'argent" de concert avec mon collègue et ami de l'époque, Philippe CAMUS. Comme je m'en étais douté, ce nom a tout de suite allumé une étincelle dans l'œil de mon voisin d'en face et nous avons parlé people : BLOCH-LAINE père et fils, David DAUTRESME que j'ai bien connu avant 1981, Jean-Baptiste de FOUCAULD que je n'aimais guère et réciproquement, pour avoir subi ses caviardages incessants pendant les trois années où j'en avais été l'adjoint, en même temps qu'Elisabeth GUIGOU ; j'ai précisé que je trouvais que la propension de cet individu à disserter autour de balancements mécaniques du genre "salade de tomates et tomates de la salade" avait quelque chose de peu convaincant pour moi, même si j'admirais divers des autres accomplissements du personnage.

C'est au cours de ce bavardage que j'ai fini par comprendre que j'avais en face de moi le père Henri MADELIN, ancien provincial des jésuites de France, autrement dit un esprit particulièrement éminent, très vraisemblable ami du Pape François qu'il représente auprès du Parlement de Strasbourg. J'ai alors parlé de mes fils, l'aîné qui avait résisté et même survécu à 14 ans chez "les bons pères" et le cadet qui s'était rapidement trouvé éjecté de leur giron. J'ai raconté que, pour pouvoir inscrire mon aîné à Franklin, à l'époque où je défilais dans la rue, moi qui me considère comme un pur produit de l'école laïque et républicaine, en hurlant "Savary, si tu savais, ta réforme, ta réforme, Savary, si tu savais, ta réforme où on s'la met" (la suite est suffisamment connue, je pense, pour que je m'autorise à ne pas la citer ici), il avait fallu que j'aille à Mulhouse recueillir un mot de piston d'un cousin jésuite qui, au cours du déjeuner de choucroute au champagne que j'avais cru devoir lui offrir pour le circonvenir si nécessaire, m'avait informé qu'il quittait la Compagnie pour se marier ; un ange était alors passé en silence quelque part dans le Haut-Rhin, séraphin dont je me souviendrai toujours du vol furtif. Le père MADELIN se rappelait parfaitement mon cousin Bernard L., sa formation d'ingénieur, son origine géographique (Bagnères-de-Bigorre) et il a ajouté, non sans une élégance qui m'a séduit, que les anciens jésuites trouvaient toujours un job intéressant quand c'était nécessaire. A partir de là, les digressions se sont enchaînées, nous avons évoqué la Curie romaine, j'ai cité les noms de trois anciens collègues qui travaillent ou ont travaillé au Vatican, Michel CAMDESSUS bien sûr (négociateur tellement ductile qu'il m'inquiétait souvent) mais aussi Jean-Baptiste de FRANSSU (père, paraît-il, de quatre enfants, ce qui m'a semblé avoir une signification particulière pour mon interlocuteur) et Antoine de SALINS.

Je laisse ici de côté d'autres aspects de notre conversation que j'ai pourtant trouvés très intéressants, comme l'évocation du père GERVAIS, extraordinaire connaisseur du Japon dont la science et la clarté m'avaient fasciné vers 1979 au cours d'un de mes voyages dans ce pays, ou bien l'indication du fait que les jésuites recrutent aujourd'hui beaucoup au Kérala. J'en arrive petit à petit au point le plus passionnant, du moins à mes yeux, de ce dialogue. J'ai expliqué au père MADELIN que j'avais assisté l'avant-veille, dans les locaux du conseil départemental de l'Orne, à une série d'exposés, que j'avais trouvés remarquables, sur l'usage des églises en ces temps de repli de la foi et de restrictions budgétaires. En voici le programme :

La question m'est apparue particulièrement délicate puisque se mêlent des considérations de droit public français et de droit canon. Même si j'ai beaucoup admiré la qualité formelle et le contenu très équilibré de l'exposé de Mgr HABERT (au point que je me suis dit que nous tenions peut-être en lui un futur cardinal, lui qui jusque là, certes face à un public de cathos tradi que je fréquentais alors, m'avait paru timide pour ne pas dire effacé), il m'a semblé que, confrontée à un tel problème, l'Eglise restait sur une position trop frileuse alors que les gouvernants veillent, au moins en paroles, à lui laisser un droit de veto trop maladroitement exprimé, selon moi, par un jeune prêtre pourtant de solide réputation locale.

Le père MADELIN m'a alors dit : "Et vous, quel est le but de la restauration de votre manoir ?". C'était la troisième fois de la journée que cette question m'était posée. La première fois, c'était dans ma chapelle et par une famille chinoise à l'évidence très distinguée à qui je présentais l'endroit, et plus particulièrement par M. William TONG dont la fille avait été la correspondante de Sonia en Angleterre. La deuxième, c'était par un chanoine au visage de Nosfératu et à la clope toujours allumée, le père Hermann DELPLANQUE qui avait célébré le mariage du jour, moine prémontré et aumônier militaire en partance pour une mission secrète de 4 mois en Afrique auprès des forces d'action spéciale et qui m'avait demandé, alors que je l'interrogeais sur la progression de l'Islam au sein des troupes françaises, de prier pour lui et pour ses camarades.

Les trois fois, j'ai bredouillé, assez piteusement je dois dire, et peut-être pour me donner le temps de la réflexion : "Très bonne question, mais je ne connais pas la réponse".

En effet, lorsque j'ai acheté la Chaslerie, il y a 25 ans déjà, je croyais qu'il fallait, entre autres, que je rééquilibre ma vie en me donnant des objectifs à très long terme comme la restauration de ce manoir, moi qui vivais alors dans un milieu professionnel, la Bourse, où l'horizon dépasse rarement la semaine. Mais ces jours-ci durant lesquels, désormais, je me bats pour éviter que l'herbe ou l'inflation administraaaâââtive, qui bouchent quotidiennement mes horizons de restaurateur de vieilles pierres, ne m'ensevelissent davantage, que sont devenues mes aspirations à long terme, après les renversements de mon existence que j'ai subis comme tant d'autres ? J'aimerais tant le savoir !

P.S. : 1) Je suppose que le second MADELIN que le père avait cité est Louis, un illustre inconnu pour moi.
2) Nous avons également parlé de "Daniélou" avec le père MADELIN qui m'a appris que la directrice que nous y avions connue, l'excellente Melle REDIER, était décédée il y a quelques mois, une nouvelle qui attristera mon aîné comme elle me peine.
Sur un sujet complexe et qui mérite d'être bien compris, voici le document qui vient de m'être transmis par l'un des trois signataires que j'en remercie. Je trouve cette démonstration percutante. Je signale qu'il faut parfois s'accrocher pour la lire, notamment au début du texte. Mais le jeu en vaut la chandelle :

Voici l'"esquisse" de M. MAFFRE relative à l'aménagement intérieur de l'aile Ouest de notre manoir favori :

En fait, je n'ai pas grand chose à dire à ce sujet à la jeune classe concernée, si ce n'est que :
- il faut prévoir un local approprié pour la future chaufferie ;
- je ne saurais trop recommander, fort de mon expérience de petit vieux, d'ajouter des cuvettes de w.-c. ;
- j'aimerais être convaincu qu'il n'existe pas une façon de dessiner l'escalier principal (entre le rez-de-chaussée et l'étage des écuries) sans ce balancement des marches que je trouve sous-optimal.

P.S. (du 28 juin 2016) : Etait joint au courriel de transfert de fichiers de mon aîné un fichier "SKIP" que je n'ai pas su ouvrir. J'ai demandé au fiston de m'y aider. Voici ce qu'a été sa réponse : "Le fichier skip est en fait le plan 3D du projet. Il faut télécharger le logiciel sketchup pour pouvoir l’ouvrir. Ensuite il faut tâtonner pour comprendre (à peu près) comment faire pour tourner autour du bâtiment."

Inutile de vous dire que, malgré ces explications, je demeure incapable d'ouvrir ce foutu logiciel. Dommage. J'aurais bien aimé mettre le résultat sur notre site favori, en complément de quelques films en drone d'anthologie.