Message #58670

Non, ce n'est pas grâce au « marché européen » que la France exporte son électricité

ARTICLE. La balance commerciale française a largement bénéficié de la vente de son électricité. Les marconistes se sont rués sur l’occasion pour louer le marché européen de l’électricité. En tordant cyniquement — ou par incompétence — le bras à la réalité.


De la désinformation, comme la Macronie en a le secret. En la matière, elle n’est pas avare quand il s’agit d’attribuer à l’Europe les bienfaits de l’excellence française qu’elle n’a pas encore totalement détruite. Et encore, dans le cas qui nous occupe, la fermeture inutile de la centrale de Fessenheim restera une tache indélébile dans le bilan des macronistes. Ce lundi, Clément Beaune, ancien ministre des Transports s’est auto congratulée, faisant allusion à une note des Douanes françaises datant du 7 février 2024. « 4 milliards d’euros ! C’est ce qu’a rapporté le marché européen de l’électricité à la France en 2023 » a-t-il tweeté, poursuivant, « faisons confiance à ceux qui l’ont préservé et réformé, plutôt qu’aux obsessionnels de la sortie… ».

L’occasion est trop belle pour le centriste. La France a en effet dégagé pour l’année 2023 un solde commercial estimé à 4 milliards d’euros. Mais attribuer ce résultat aux bienfaits du marché européen de l’électricité, c’est au mieux, une manipulation politique du résultat, au pire, de la bêtise. Ce marché, fortement décrié y compris au sein de la macronie — Bruno Le Maire appelait dès 2021 à le réformer — a été pointé du doigt comme étant responsable de la dégradation de la balance française électrique en 2022 (-16,5 TWh pour 7,3 milliards d’euros de pertes pour notre balance).

Entre 60 et 70 TWh dans les années 90

Alors qu’en est-il ? Responsable des pertes et des bénéfices ? Si 2022 présente une chute historique pour la balance française en la matière, c’est avant tout lié à sa baisse brutale de production : une partie de son parc nucléaire a été immobilisé à cause de défauts de soudure — corrosion sous contrainte — une autre figée pour maintenance. Et le parc hydraulique produisait peu du fait d’une sécheresse de grande envergure. Le mécanisme du marché européen de l’énergie étant indexé sur le cours du gaz, la France a payé à prix d’or son énergie manquante, importée d’Allemagne, de Belgique, de Grande-Bretagne ou bien encore d’Espagne, pays fortement gaziers.

Mais alors, les macronistes auraient-ils finalement raison ? Sans marché européen de l’énergie, point de salut ? C’est effacer très rapidement l’histoire. Il aura fallu attendre 1996 pour voir la première directive sur la libéralisation du secteur de l’électricité instaurée, et 2003 pour que soient définies les règles de conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité. Mais le monde n’a pas commencé en 1996 et la France exportait déjà massivement de l’électricité à ses voisins, entre 60 et 70 TWh dans les années 90, contre 75 TWH en 2023. Tout comme elle importait également, à la marge. Tout était négocié entre états par de contrats de gré à gré, comme c’est désormais le cas pour le Royaume-Uni et ses partenaires commerciaux.

Aujourd’hui, l’Europe est reliée par 420 interconnexions, dont 50 pour la France. Pour autant, si le marché européen de l’électricité réglemente et donc facilite — mais à quels prix ! — les échanges sur le continent, il n’est absolument pas indispensable à leur existence. Ce n’est qu’un cadre, qui a enfanté chez nous la désastreuse Arenh et la fausse concurrence — 80 fournisseurs alternatifs — nourrie sur le dos d’EDF. La France a empoché 4 milliards d’euros en 2023 ? Oui. Grâce au marché européen de l’électricité ? En aucun cas spécifiquement. N’en déplaise aux ardents défenseurs de ce modèle et de ses nombreuses et coûteuses failles.

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