Message #20909

Je viens de lire, avec intérêt, "Nous les avons tant aimés ou La chanson d'une génération" de Jean-Pierre JOUYET, paru en 2010 chez Robert LAFFONT.

Je m'étais lancé dans cette lecture car j'ai sollicité un rendez-vous auprès du secrétaire général de l'Elysée afin d'évoquer ma situation personnelle avant de mettre dans les tuyaux le courrier que je mûris à l'intention du premier président de la Cour des comptes.

L'ouvrage m'a permis, en filigrane, de comprendre l'état d'esprit du personnage aux diverses périodes où j'ai été amené à le fréquenter :

- d'abord, lorsqu'il était élève de l'E.N.A., dans la fameuse "promotion Voltaire" à qui j'essayais d'enseigner quelques rudiments de "techniques quantitatives" ; j'avais d'emblée remarqué ce garçon que je trouvais très sympathique mais j'avais surtout été frappé par la difficulté pour ce littéraire pur d'entraver quoi que ce soit à mon charabia sur les diagrammes P.E.R.T., par exemple ; à l'évidence, pour lui, la réponse à une question simple, du type "Combien font 2 et 2 ?", fait débat dans lequel il est toujours prêt à s'engager ; d'où ma grande surprise - je m'en souviens comme si c'était hier - lorsque j'ai appris qu'il avait été admis à l'inspection des finances ;

- deuxième époque, lorsque j'étais chef du bureau du mouvement des fonds, à la direction du Trésor, et lui, jeune chef du bureau des synthèses à la direction générale des impôts ; l'occasion était une réunion de travail au Conseil d'Etat où nous devions présenter et défendre la rédaction des services du ministère sur un projet de loi ramasse-tout ("portant diverses dispositions d'ordre économique et financier") face à un Conseiller d'Etat connu pour être féroce et intraitable (sauf pour le chef du bureau du logement puisque ce pourfendeur de l'"existentialisme juridique", ancien député O.A.S., était toujours élu local), M. de LACOSTE-LAREYMONDIE ; j'avais été frappé par la façon dont mon ancien élève avait réussi à embobiner ce vieux réac et très brillant juriste, qui opposait à tout bout de champ SARTRE et Jeanne d'ARC, et à lui faire gober des rédactions pourtant qualifiées par le même, en début de réunion, de "Brésiliens du Bois de Boulogne" ;

- 3ème épisode, lorsque Jean-Pierre était le dircab de Roger FAUROUX à l'Industrie ; j'étais allé le voir je ne sais plus pourquoi et il m'avait reçu très gentiment bien que flanqué - cela m'avait paru bizarre - d'un de ses collaborateurs de l'époque que j'avais côtoyé antérieurement, jeune ingénieur des Ponts qui a ensuite pantouflé chez Edouard STERN avant de créer sa start-up ;

- 4ème époque, lorsqu'il était directeur du Trésor, en 2000 de mémoire, déjà pour évoquer ma situation personnelle ; il m'avait alors proposé le job de ministre plénipotentiaire, conseiller financier auprès de l'O.C.D.E., et j'avais décliné, n'ayant aucune considération pour ce genre d'organisme que je trouve ectoplasmique (le regretté Francis MAYER, alors D.G. de la C.D.C., m'avait dit que j'avais eu tort mais, à ma décharge, j'avais été tellement abasourdi par la façon dont j'avais été traité lors de mon mandat précédent que j'étais encore K.O. debout). A la même époque, le patron de Cap-Gemini, Paul HERMELIN avec qui j'avais quelques souvenirs communs (par exemple, il était venu avant 81, dans mon 2 pièces H.L.M., me vanter le P.S. alors qu'il était encore élève à l'E.N.A.), m'avait offert de rejoindre son groupe, proposition sincère à laquelle je n'avais pas davantage donné suite. Puis Serge WEINBERG, pour le groupe Pinault, avait eu une première conversation avec moi à propos de la présidence d'une filiale bancaire à problèmes mais le dossier avait avorté de son fait (il avait alors décidé, quasi simultanément, de vendre cette banquette). Or le bouquin dont je viens de terminer la lecture évoque la très grande proximité de JPG avec PH et sa très haute estime pour FABIUS dont WEINBERG était le chef de cabinet en 81. Donc je peux imaginer que, derrière ces deux offres "privées", JPJ était à la manœuvre (et qu'il ne manquerait pas de me le rappeler si, par extraordinaire, il acceptait de me recevoir de nouveau un de ces jours).

Trêve de considérations personnelles, le bouquin en question est d'un ton volontiers primesautier, l'auteur étant manifestement doué pour le bonheur, et, bien que cette prose ne soit pas toujours facile à lire pour qui n'a pas l'honneur et l'avantage de faire partie du sérail (et même pour moi qui l'ai à tout le moins tangenté), comporte des vues d'ensemble de haute volée et des portraits percutants, comme celui-ci :

Ecrire ceci dès 2010, fallait le faire !

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