Message #16948

Le dimanche c'est l'enfance.

« ...et celluy temps passa comme les petits enfans du pays : c’est assavoir à boyre, manger et dormir ; à manger, dormir et boyre ; à dormir, boyre et manger.
Tousjours se vaultroit par les fanges, se mascaroyt le nez, se chauffourroit le visaige, aculoyte ses souliers, baisloit souvent au mousches, et couroit voulentiers après les parpaillons, desquelz son pere tenoit l’empire. Il pissoit sus ses souliers, il chyoit en sa chemise, il se mouschoyt à ses manches, il mourvoit dedans sa souppe, et patroilloit par tout lieux, et beuvoit en sa pantoufle, et se frottoit ordinairement le ventre d’un panier. Ses dens aguysoit d’un sabot, ses mains lavoit de potaige, se pignoit d’un goubelet, se asseoyt entre deux selles le cul à terre, se couvroyt d’un sac mouillé, beuvoyt en mangeant sa souppe, mangeoyt sa fouace sans pain, mordoyt en riant, rioyt en mordent, souvent crachoyt on bassin, pettoyt de gresse, pissoyt contre le soleil, se cachoyt en l’eau pour la pluye, battoyt à froid, songeoyt creux, faisoyt le sucré, escorchoyt le renard, disoit la patenostre du cinge, retournoyt à ses moutons, tournoyt les truies au foin, battoyt le chien devant le lion, mettoyt la charrette devant les beufz, se grattoyt où ne luy demangeoyt poinct, tiroit les vert du nez, trop embrassoyt et peu estraignoyt, mangeoy son pain blanc le premier, ferroyt les cigalles, se chatouilloyt pour se faire rire, ruoyt très bien en cuisine, faisoyt gerbe de feurre au dieux, faisoyt chanter Magnificat à matines et le trouvoyt bien à propous, mangeoyt choux et chioyt pourrée, congnoissoyt mousches en laict, faisoyt perdre les pieds au mousches, ratissoyt le papier, chaffourroyt le parchemin, guaignoyt au pied, tiroyt au chevrotin, comptoyt sans son houste, battoyt les buissons sans prandre les ozillons, croioyt que nues feussent pailles d’arain et que vessies feussent lanternes, tiroyt d’un sac deux moustures, faisoyt de l’asne pour avoir du bren, de son poing faisoyt un maillet, prenoit les grues du premier sault, vouloyt que maille à maille on feist les haubergeons, de cheval donné tousjours reguardoyt en la gueulle, saultoyt du coq à l’asne, mettoyt entre deux verdes une meure, faisoit de la terre le foussé, gardoyt la lune des loups, si les nues tomboient esperoyt prandre les alouettes, faisoyt de necessité vertus, foisoyt de tel pain souppe, se soucioyt aussi peu des raitz comme des tonduz, tous les matins escorchoyt le renard. Les petitz chiens de son pere mangeoient en son escuelle ; luy de mesmes mangeoit avecques eux. Il leurs mordoit les aureilles, ilz luy graphinoient le nez ; il leurs souffloit au cul, ilz luy leschoient les badigoinces (...).
Et, pour s’esbattre comme les petits enfans du pays, luy feirent un beau virollet des aesles d’un moulin à vent de Myrebalays.»
Rabelais, Gargantua.

Les deux dernières lignes me mettent les larmes aux yeux tant je les trouve belles.
En Guadeloupe nous ne connaissions pas les saisons aussi avions nous la saison des billes, des cerfs-volants que nous confectionnions avec le journal France-Antilles et de fines baguettes prélevées sur les palmes des cocotiers. Et gare à celui à qui il prenait l'envie de jouer hors-saison. Mais comment saviez vous que l'on était dans la bonne saison ? Rien ne l'indiquait, elle n'était pas liée au calendrier, mais comme les feuilles se mettent toutes à tomber en automne, les cerfs-volants comme par magie s'élevaient tous sous le ciel nuageux des tropiques.

N.D.L.R. : Ici, on bosse, on gratte, on range...

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