Références culturelles

Raphaël Sorin
Publié le 18 mai 2021


Raphaël Sorin est mort. C’était un éditeur du genre pirate. Bourru mais urbain, onctueux mais vachard, soumis mais rebelle, franc-tireur mais dissimulé, désabusé mais capable de faire des coups qui l’amusaient comme un gamin. Il connaissait quasiment tout de la vie intellectuelle française des cinquante dernières années. Sa jeunesse, son heure de gloire, son île de la Tortue, c’étaient ses années au Sagittaire. Il en parlait avec d’autant plus de fierté qu’elles n’étaient connues que de très peu de gens. Là, il avait vécu entouré de légendes, d’auteurs maudits et de génies méconnus. Depuis, il vivait dans leur ombre, s’affairant en coulisse, distillant les livres comme un alchimiste, et souffrant secrètement de n’être pas davantage reconnu comme un très grand, dans son genre.

C’est lui qui a fait venir Houellebecq chez Flammarion. Il avait ourdi un plan compliqué pour lequel j’avais été heureux de lui servir de complice : financement d’une revue littéraire et culturelle hétéroclite et confidentielle (Perpendiculaire), organisation de rencontres avec ses contributeurs autour de lectures ou de débats dans un café de la rue des Archives (j’y ai assisté à plusieurs reprises), invitation à ces soirées de jeunes journalistes branchés qui commenceraient spontanément à chanter les louanges desdits contributeurs sans rien comprendre à la manœuvre, publication par les soins de la maison de divers écrits des uns et des autres, et émergence de Houellebecq comme figure majeure de cet indéfinissable courant. Ça s’était révélé imparable.

Quand je me suis lancé dans la chanson, il est venu me voir deux ou trois fois. Pendant quelques années nous nous sommes retrouvés pour un déjeuner annuel. Il disait toujours qu’il voulait me présenter à sa cousine Françoise Canetti, la fille de Jacques, qui relançait son label (et à qui j’ai fini par serrer la main un jour à la maison de la radio).

J’ai été étonné de lire dans sa nécrologie publiée par Le Monde qu’il avait ces derniers temps viré à l’extrême droite. Quand je l’ai connu, il semblait en être très loin… Mais, après tout, n’est-ce pas là qu’aboutissent bon nombre d’aigris de talent ?

N.D.L.R. : "Aigri de talent", j'aime bien l'expression. C'est quand même mieux que "confit de bêtise". Du moins selon moi (mais il paraît sûr que cette catégorie-là demeure très minoritaire).


Alors, normal que je peine à être heureux.
Dédale et Icare
Publié le 19 mai 2021

Dédale © kanoklik


C’était il y a fort longtemps, en Crète. Dédale avait construit le labyrinthe sans se douter que le roi Minos finirait par l’y enfermer. Prisonnier du lieu en compagnie d’Icare, son fils, il ne put en trouver l’issue tant son ouvrage était bien conçu. Si bien qu’il se résolut à emprunter la seule sortie possible : la voie des airs. Avec des plumes et de la cire, il confectionna des ailes, les ajusta sur son dos et celui de son fils. Et ils s’envolèrent.

C’était une sortie « par le haut ». Inédite, risquée, enthousiasmante. Mais grisé par le fait de voler, Icare s’approcha trop près du soleil. Trop de lumière, excès de chaleur. La cire fondit. Ce fut la chute.

Cette histoire m’a toujours fasciné. Je l’ai abordée dans ma chanson Comme Icare. Vous vous élevez dans la vie et « montez vers les nuages » dans l’espoir d’un jour « décoller et glisser dans l’azur ». Mais la réalité vous rattrape, et tôt ou tard vous voyez « les tristes sires qui font du sol un enfer fondre sur vos délires ». Vous retombez dans les rocailles. « Plus de mal que de peur ».

La chanson est pessimiste. Porte-t-on toujours le châtiment d’avoir voulu voler ? Non. Dédale, plus prudent, vola jusqu’en Sicile. Il prit de l’écart plutôt que de la hauteur. A bien considérer mon existence, c’est son exemple que j’ai suivi.

N.D.L.R. : "So did I !" (car on peut toujours se la raconter comme cela).
Hermann Historica International Auctions (via "Facebook")
rédigé le Vendredi 21 Mai 2021
Florilège de faits ou d'œuvres contemporains de la Chaslerie - Désultoirement vôtre ! - Archives, histoire, documentation - Références culturelles - Florilèges
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During the Renaissance, this sheer luxury was reserved for the few. 💎
This set of French cutlery (circa 1600) comprises a knife and a fork, their high-quality, engraved handles wrought with craftsmanship of the highest order. Absolutely breath-taking! 🍴
👉 lot 1221
📅 auction: 27.05.2021
https://www.hermann-historica.de/en/auctions/lot/id/270121


N.D.L.R. : Contemporain de la Chaslerie.
Tenez, M. Fourcade, pour compléter votre bibliothèque au cas où vous n’auriez pas déjà ces documents !

Cordialement,


N.D.L.R. : Étonnante époque où un gamin d'un bourg normand, poussé par ses profs, arrivait à intégrer Normale Sup. Je serais surpris qu'il y ait d'autres exemples locaux comparables mais ne demanderais pas mieux.

N.D.L.R. 2 (du 25 mai 2021 à 18 heures 30) : Jean THUAUDET m'a signalé ce matin que le (ou un) petit-fils d'Auguste SALLES est un artiste "structeur" réputé.

J'ai également appris que la fille d'un cousin germain de Jean est bien partie pour une magnifique carrière dans l'industrie. Et en plus, je la trouve très jolie.

Tout ceci montre que notre bocage demeure plein de ressources et c'est tant mieux !
Emmanuel Macron - McFly et Carlito: «Une vidéo qui ne fait honneur ni à la politique, ni aux influenceurs, ni à la jeunesse»

FIGAROVOX/TRIBUNE - Les deux youtubeurs McFly et Carlito ont mis en ligne leur rencontre avec le président de la République. Pour Mathieu Slama, un cap a été franchi dans la dépolitisation de la parole politique.


N.D.L.R. : Le président de l'effondrement.

Billet : Aqueducs et gazoducs
Posted on 24 mai 2021 par Libres Feuillets

Les Romains construisaient d’audacieux aqueducs
Mais ils ne savaient rien des présents gazoducs
S’étirant en longueur depuis les gisements
D’où jaillit le méthane au bout du continent
Tels des Pythons issus de la boue primordiale
Et dont la dimension devient enjeu mondial
Depuis la Sibérie au-delà des taïgas
Où le dégel profond ferait de gros dégâts
Jusqu’à la mer Baltique au nord de l’Allemagne
Où le tuyau « Nord Stream » sortant des eaux regagne
Une terre enfin ferme et peut vomir son feu
Inerte jusqu’alors léthargique et gazeux
Comme un monstre mythique à la fin se ranime

Ce dernier verbe attend de rimer avec Nîmes
Jadis pourvue en eau par l’ouvrage romain
Dénommé « Pont du Gard » un pont hors du commun
Dont l’utile beauté depuis deux millénaires
Soutient un aqueduc sur ses arches de pierre

L’Allemagne et Moscou ont presque rassemblé
Les ultimes tronçons permettant de doubler
Ce que peut transporter leur énorme pip(e)line
Mais les Etats-Unis craignent l’indiscipline
En cas de liens plus forts entre Europe et Russie
L’Amérique de plus aimerait vendre aussi
Par bateaux méthaniers sans visée philanthrope
Ses trop-pleins liquéfiés à ses alliés d’Europe
L’Allemagne – elle – attend l’afflux de gaz fluant
Afin de minorer ses rejets polluants
Et confirmer ainsi son refus de l’atome
Transformer son lignite en souvenir fantôme
La France en cette affaire entre l’écologie
et le proche voisin quelle est sa stratégie


Ce poème confronte en quelque sorte le transport ancien de l’eau (H20) par aqueduc en France au temps de l’empire romain et le transport moderne du gaz méthane (CH4) par gazoduc entre la Russie et l’Allemagne aujourd’hui. Ce sont dans les deux cas des exploits technologiques, mais les ouvrages sont sans commune mesure du point de vue des dimensions et de l’art : d’une part un aqueduc d’environ 53 km passant sur un pont spectaculaire de 275 m de long, d’autre part un double tuyau sous pression de 1400 km, la plupart du temps invisible, enterré ou passant sous les eaux de la Baltique. Au sommet de l’OTAN du 11 juillet 2018 le président américain Donald Trump avait mis en cause l’Allemagne que ce projet rendrait « prisonnière de la Russie ». Depuis la défaite électorale de Donald Trump, l’opposition américaine à ce gazoduc s’est exprimée de manière moins frontale. Ce qui est en cause, c’est la politique énergétique de l’Allemagne, qui a voulu renoncer à l’énergie nucléaire depuis la catastrophe japonaise de Fukushima, mais qui n’a pas d’autre solution évidente que le gaz à l’état gazeux ou liquide pour la remplacer, sauf, à court terme, une utilisation accrue de son charbon ou lignite polluant, et à plus long terme un pari massif en faveur des énergies renouvelables telles que celle des éoliennes.

Dominique Thiébaut Lemaire

N.D.L.R. : Ne trouvant pas d'explications raisonnables à l'acharnement de MACRON à user de toutes les ficelles de son double langage bien connu (le trop fameux "en même temps") pour laisser se développer la filière éolienne dans le pays qui a eu la bêtise de l'élire, j'ai cru que la clé tenait au financement de sa prochaine (et déjà entamée) campagne des présidentielles.

Mais on comprend (ou croit comprendre) désormais que l'invraisemblable diktat éolien que nous subissons dans nos provinces nous est en effet imposé, l'Europe étant devenue ce que nous voyons, par les Allemands.