Message #884

Hélène LEROY-PEETERS
rédigé le Mardi 24 Avril 2012
Journal du chantier - Tour Louis XIII - Anecdotes - Dans l'Orne - Désultoirement vôtre ! - Annonces
Pas de cadavre en vue ? Mais vérifiez bien dans les conduits de cheminée... Surtout lorsqu'on a une verge de 13 mètres comme à la Tour Louis XIII !
Malheureusement je vous cite un fait divers qui s'est réellement passé dans notre bocage, à Saint-Aubert-sur-Orne (année 1990)...

Le petit ramoneur.

Le printemps fait sortir les anglais qui viennent prendre leurs quartiers dans leur résidence secondaire sur le continent. La Normandie est à quelques heures de chez eux. Au temps de la splendeur de la livre sterling et de la prospérité, il était de bon ton dans la bonne société de posséder un pied à terre, si possible original et en tout cas placé sous le sceau de l"'authenticité.
A Saint Aubert sur Orne , charmante bourgade d"une centaine d'"âmes, il est une maison qui correspond au goût typiquement anglais. Les gens d'"ici l"appellent « la maison à la tourelle ». Les propriétaires en confient le gardiennage à une voisine qui est également chargée du ménage.
Ce samedi, ils arrivent pour passer quelques jours, mais la maison n"'a pas été chauffée depuis un moment. Il fait un peu frais. Une flambée dans la cheminée s'"impose. L'"homme, un ancien officier de l'"armée des Indes, ouvre la trappe qui ferme le foyer. A cet instant précis tombe une chaussure. Surprenant n"'est-il pas vrai ? Impossible d"'apercevoir quoi que ce soit, le conduit est coudé. Cette technique de construction favorise l"'évacuation de la fumée et empêche la chute brutale de la grêle. Intrigué malgré tout, le colonel fait part de sa découverte à la voisine, laquelle conseille d"'allumer le feu afin de vérifier si le tirage se fait normalement. Un peu de fumée se répand dans la pièce, mais rien de vraiment anormal. Malgré tout, le doute s'"est installé. D"'où venait cette chaussure de sport, car il s"'agissait bien d"une chaussure de tennis d"'une pointure normale pour le pied d"'un adulte. Quelques facétieux en goguette auraient-ils improvisé un lancer de godasses.. Il fallait donc tenter de résoudre cette énigme. Qui d"'autre que les gendarmes pour apporter leur concours à la recherche de la véritéÂ… ? Les hommes en uniforme étaient confrontés aux mêmes interrogations que les propriétaires. Il fallait en référer au Procureur de la République. Le transport de justice eut lieu et le magistrat ne pouvait conclure, mais comme la cheminée fonctionnait bien, il n'"y avait pas lieu de s"'alarmer. Le calme de la campagne n"'était donc pas troublé, pas plus que l'"ordre public et c"'est dans cette atmosphère apaisée que les anglais ont terminé leurs vacances printanières.
Le second chapitre nous entraîne au début de l"'automne avec une nouvelle migration britannique. Quelques jours auparavant, la voisine est prévenue de leur arrivée, comme à l"'accoutumée, elle effectue une mise en état des lieux. A sa grande surprise, le sol est recouvert d"une quantité incroyable de mouches mortes et il règne dans le salon une odeur indéfinissable. Après un bon courant d"'air, et un balayage soigneux, les choses en restent là jusqu"'à l'"arrivée des occupants en fin de matinée. Cette fois encore, la température ambiante mérite un peu de chauffage et donc un petit feu dans la cheminée.
Rien de plus simple, il suffit d"ouvrir la trappe. Un ancien colonel de l'"Armée des Indes doit pouvoir faire face à toutes situations, mais en la circonstance, on se demande s'"il n"a pas perdu un tant soit peu une once de son flegme. Une chaussure chaussant un pied, un tibia et un péroné sont tombés dans l'"âtre. A bien y regarder, quelques lambeaux de tissu accompagnent cette chute intempestive.
En moins de six mois, la paire de tennis est reconstituée, là n"'est pas l"essentiel ainsi que le fait justement remarquer la dame anglaise. Le maire, les gendarmes, la justice et les pompiers se rendent sur place. Ce sont les pompiers qui sont chargés de l"'exploration et qui récupèrent les restes d"un corps coincé dans la cheminée. L"'identification criminelle va pouvoir commencer dans le laboratoire spécialisé de la gendarmerie de Lyon.
Subsiste une interrogation majeure qui est-ce ? Depuis quand ce corps est-il là, pour quelle raison ? Comment cela a-t-il pu se produire, alors que personne n"a vu d"'échelle ? Les supputations vont bon train dans la commune, chacun a un peu son avis sur la questionÂ…. D"'après les premières constatations, il s'"agit d"un homme jeune. Le scénario le plus probable est qu"'il aurait tenté de cambrioler la maison en passant par la cheminée, il aurait glissé et serait resté coincé. Selon un médecin, il serait mort de soif, les reins se seraient bloqués entrainant une perte de connaissance. « Il a probablement souffert le martyre. »
Les autorités sont confrontées à un autre problème. Il est fait obligation à la commune de prendre en charge l'"inhumation. Ce n"'est pas une mince affaire. Le budget voté par le conseil municipal n'"a pas prévu ce genre de dépense, finalement le préfet autorise l"'inscription au chapitre des fêtes et cérémonies.
Dans le petit cimetière, en face de l'"église, le vieux curé qui dessert la paroisse donne sa bénédiction « Inconnu, qui que tu sois, quoi que tu aies fait, quelle que soit ta religion, repose en paix. »
Quelques heures plus tard, à la nuit tombante, une voiture s"'arrête le long du cimetière. Plusieurs personnes en descendent discrètement. Le lendemain matin, on découvre un bouquet de fleurs sur la terre fraichement remuée. Depuis, plus rien. En apparence, personne n"'est venu se souvenir sur cette tombe.
Il faudra plusieurs mois avant que ne puisse être révélée avec certitude l"'identité de cet homme jeune né dans une ville voisine. Il était connu des services de police pour des faits mineurs. L'"ADN avait parlé. Sa famille ne s'"était pas manifestée, elle avait l'"habitude de ses absences prolongées.
Devant un thé, la dame anglaise tient salon, elle affirme que sa maison a désormais une histoire. La valeur marchande augmente puisqu'"il s"'agit de la maison du petit ramoneur.

N.D.L.R. : Je vois qu'avec vous, aucun terme technique ne tombe dans l'oreille d'une sourde (apprenez toutefois que la longueur de l'attribut en question est de 15 mètres et non de 13, vous me le copierez 100 fois)... Dans la version que je connaissais, le petit ramoneur avait un frère qui l'accompagnait ce jour-là et qui, prenant peur et désireux d'aller chercher du secours, aurait perdu le contrôle de son véhicule et se serait lui-même tué sur la route.

Commentaires