Message #720

Dad,

Cela fait longtemps que je n'"ai pas eu le loisir de parcourir le site. Je profite donc du retard d"'un candidat à l'embauche pour me rattraper.

Quant au programme de restauration des douves, je me pose plusieurs questions :

1. Pourquoi fermer la douve sur ses trois côtés par un mur de pierres ? Les biais que j"'identifie sont les suivants :

a. De tels murs nécessiteraient un entretien important et une restauration dans un siècle ou deux d"un coût pharaonique qui la rendrait improbable et donc l'"ouvrage éphémère.

b. Quelle est l'"utilité d"un tel mur d'"enceinte ? J'"ai l'"impression que ton bon sens Normand a pris un coup de froid. Je comprends que les douves permettent de drainer ce terrain, la construction du mur devait faciliter cet assèchement.

2. Pourquoi détourner l'"arrivée d'"eau durant la durée des travaux ? L"'utilisation de buses en béton armé dans le lit des douves supporte le passage de camions et de matériel de chantier. Je pense que cette option est nettement moins onéreuse et tout aussi pratique pour Hervé LEMOINE, le fermier. Néanmoins, c"'est moins spectaculaire.

N.D.L.R. : Salut, W.F. ! Heureux d'avoir de tes nouvelles, ce site est merveilleux s'il permet ce type d'échanges rares pour un père !

Je réponds à tes questions :

Il s'agit de restaurer un mur qui existait avant que l'incurie des prédécesseurs n'en hâte le délitement. C'est ce qu'on appelle un mur d'escarpe (tu as dû déjà te promener rue de la contrescarpe à Paris). Le mur d'escarpe est le mur situé du côté intérieur d'un fossé de douves ; le mur de contrescarpe est son pendant, de l'autre côté du fossé. Notre mur d'escarpe fait 136 m de long, il est implanté du côté Est du "Pournouët". A l'origine, il devait faire près de 5 mètres de haut sur toute cette longueur. Il était complété, à ses extrémités, de deux retours, perpendiculaires et d'une vingtaine de mètres de long dont il reste également des vestiges, notamment côté Nord. Donc, quand tu parles de 3 murs, tu pousses un peu. En effet, les douves Nord et Sud resteront principalement en terre.

C'est essentiellement ce mur d'escarpe qu'il s'agit de restaurer. Ce mur, ou plutôt ce qui en reste, est classé parmi les monuments historiques, donc sa restauration est soumise à des procédures administratives lourdes et chronophages. Je souhaiterais néanmoins engager ces travaux tant que je rémunère deux maçons à temps plein ou presque, ce que je ne pourrai pas faire durablement, à moins que mes fils ne m'y aident, c'est-à-dire qu'ils décident enfin le sort qu'ils réservent, dans leur vie, à la Chaslerie ; ceci est une autre histoire mais je n'ai pas l'éternité devant moi, ni les reins assez solides, pour repousser longtemps des conclusions lourdes pour la suite du programme.

La restauration de ce mur conditionne la restitution à la Chaslerie de l'allure qu'elle avait à sa grande époque, c'est-à-dire au tournant des XVIIè et XVIIIè siècles. Cette restauration du mur est en effet un préalable nécessaire à la restauration du "Pournouët", de manière à lui redonner l'aspect d'un jardin d'agrément qui était le sien à la même époque. On pourrait toujours planter le "Pournouët" sans conforter sa périphérie, pourrais-tu objecter. Mais, comme tu le sais, je n'ai jamais aimé le travail bâclé et je t'encourage à avoir toujours un niveau d'exigence analogue.

Je voudrais cependant te rassurer, puisque cela semble nécessaire : comme ce sera le cas pour le mur Ouest de la douve Nord, comme cela a déjà été le cas pour les murs que j'ai restaurés sur la terrasse ou entre la chapelle et le manoir, ce type de travaux est fait, normalement, pour durer plusieurs siècles, au moins deux ou trois sans aucun doute. Donc même tes arrière-petits-enfants (lorsque, comme ton frère un jour, je l'espère, tu te seras enfin décidé à procréer) pourront dormir sur leurs deux oreilles s'ils vivent encore à la Chaslerie : ce n'est pas ce mur qui leur coûtera un seul kopeck.

Quant au détournement du ruisseau que j'estime nécessaire pour ces travaux, il ne résulte nullement d'un quelconque penchant pharaonique pour le spectacle en technicolor. Mais c'est le résultat de l'expérience de qui veut bien venir de temps à autre à la Chaslerie. On y voit que, pour manœuvrer des pierres, des échafaudages, des engins en fond de douve, il vaut mieux que celle-ci soit aussi sèche que possible, donc qu'on interrompe provisoirement son alimentation en eau, notamment en provenance du Tertre Linot. La conformation du terrain rend un tel détournement provisoire parfaitement envisageable et à moindres frais, tu sembles l'avoir oublié et je te le démontrerai sur place avec plaisir à la première occasion.

J'espère que mes explications sont assez claires.

Kisses du Dad.

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