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Guerre en Ukraine : la France est-elle énergétiquement dépendante de la Russie ?

ARTICLE. Les chars russes ont franchi la frontière ukrainienne ce jeudi 24 février. Cette invasion peut-elle se répercuter sur le marché de l’énergie français ?
Guerre en Ukraine : la France est-elle énergiquement dépendante de la Russie ?



La question énergétique était au cœur des échanges entre l’Europe et l’Ukraine et la Russie, ces derniers jours. En déclarant la guerre à l’Ukraine, sous forme d’une « opération militaire » visant à défendre les séparatistes de l’est du pays, Vladimir Poutine plonge le continent dans l’incertitude de ce que pourrait engendrer un tel conflit. Parmi les questions qui se posent, celles du gaz naturel : l’Europe, et donc la France, vont-ils devoir se passer des énergies fossiles vendues par la Russie, et si tel était le cas, quel manque cela représenterait-il ?

Pour la France, dans l’absolu, pas de crainte de pénurie de grande envergure à avoir. Dans son bilan « Chiffres clés de l’énergie » de 2021, le ministère de la Transition écologique relève que le gaz naturel ne représente « que » 15,8 % de la consommation d’énergie primaire en France, loin derrière le nucléaire (40 %) et le pétrole (28,1 %). Mais la France reste profondément dépendante de ses exportations pour sa consommation de gaz qui concerne tout de même les 11 millions de foyers français qui étaient abonnés au gaz naturel en 2020.

Dans ces 15,8 %, le gaz naturel produit en France ne représente plus qu’une part infime. L’extraction du gaz de mine, présent dans le bassin du Nord–Pas-de-Calais ne génère que 0,2 TWh pouvoir calorifique supérieur (PCS). Il faut y ajouter le biométhane obtenu par épuration de biogaz qui font 3,9 TWh/an. La France a donc produit environ 4,1 PCS de gaz naturel en 2020. Comparé au total du gaz naturel importé par la France en 2020, ça ne représente que 0,76 % de ce qu’elle importe. Une paille.

Des pays européens à 100 % dépendant du gaz naturel russe

L’Hexagone s’approvisionne donc massivement à l’étranger. Son principal fournisseur n’est pas Russe, mais Norvégien. En 2020, le pays scandinave représentait 36 % du total des entrées brutes. Néanmoins, l’apport du pays de Vladimir Poutine n’est pas anodin. Il s’agit de notre deuxième fournisseur, qui pèse pour 17 % de nos importations. Viennent ensuite l’Algérie (8 %), les Pays-Bas (8 %), le Nigeria (7 %) et le Qatar (2 %). Pour autant, 2020 — Covid et confinements obligent — était une année particulière, avec une chute de consommation. La France a moins importé, notamment à la Russie, pays qui représentait 20 % des importations en 2019.

La part russe dans le gaz français est donc non négligeable. Mais elle est loin d’être aussi contraignante qu’elle ne l’est globalement pour l’Union européenne. D’après les derniers relevés d’Eurostat datant de 2019, la Russie représentait 40,4 % des importations de gaz naturel chez l’Europe des 27. Toujours d’après Eurostat, certains pays comme la Tchéquie ou la Lettonie étaient en 2020 à 100 % dépendant de la Russie. D’autres n’étaient guère mieux lotis, comme la Hongrie (95 %), la Finlande (67,4 %) ou bien encore l’Allemagne (66,1 %).

Notre voisin outre-Rhin, que la politique anti-nucléariste a fait plonger dans une profonde dépendance au charbon et au gaz, risque de payer au prix fort ses décisions sur le domaine de l’énergie depuis le milieu des années 2000. La Russie entend faire payer au prix fort les mesures de sanctions qui seront prises. Le 22 février, en rétorsion face au comportement belliciste russe, le chancelier allemand Olaf Scholz a suspendu Nord Stream 2, le deuxième gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne avec une capacité de 55 milliards de m3 de gaz par an. Aussitôt, le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev a ironisé sur twitter : « Bienvenue dans un monde nouveau, où les Européens vont bientôt payer 2000 euros pour 1000 M3 de gaz ».

Saturation du marché du gaz naturel ?

Le malheur des Allemands ne fera pas notre bonheur. Les prix de l’électricité étant intimement liés — mécanisme de l’UE oblige — au prix du gaz, si celui-ci augmente fortement, fatalement, les Français en subiront les conséquences. Et le marché mondial du gaz en lui-même risque d’être chamboulé : les pays dépendants de la Russie risquent de vouloir changer de fournisseurs, s’orientant notamment vers la Norvège. Or, sa production de gaz naturel ne cesse de décroître depuis 2017, laissant craindre qu’elle ait passé son pic d’extraction. La France pourrait se retrouver au cœur d’une guerre — économique, cette fois-ci — sur le marché du gaz naturel.

Pour achever le tableau, si l’attention se focalise sur le gaz, il convient de rappeler que la Russie est un fournisseur d’énergie fossile dans son ensemble. 30 % du pétrole brut importé par les Européens vient du pays de Vladimir Poutine. La France n’en importe que 8,7 %, mais dans un contexte de flambée des prix à la pompe, ce ne peut-être qu’une mauvaise nouvelle. Enfin, 42,4 % de la houille importée en Europe est de provenance russe, dont deux millions de tonnes pour la France.

Quelle que soit l’issue du conflit qui oppose la Russie avec l’Ukraine et ses alliés, cette crise aura au moins le mérite de mettre le sujet de la dépendance aux énergies fossiles sur le devant de la scène. La France doit-elle durablement être dépendante d’une énergie qu’elle ne produit pas elle-même et qu’elle importe de pays diplomatiquement instables ? Si sa stratégie de diversification des fournisseurs est récompensée, la crise ukrainienne sonne comme une alerte dont feraient bien de se saisir enfin les candidats à la présidentielle.

N.D.L.R. : Depuis le temps qu'on se tue à répéter ici que la politique pro-éolienne, mise en place pour satisfaire aux appétits économiques de l'Allemagne, est une ânerie sans nom qui devrait déshonorer et suffire à déconsidérer tous les élus français qui l'ont favorisée (le Jupiter-de-mes-deux inclus) ou qui se sont enrichis en en tirant profit (suivez mon regard jeune-et-joli...) !

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