Message #52704

La scierie Foulon ferme définitivement et dénonce une « course folle qui n’a ni queue ni tête »

Plus d’un siècle d’existence, 111 années pour être précis. C’est à cet âge éminemment honorable que la scierie Foulon, située à proximité de Saint-Omer dans les Hauts de France, va mettre la clé sous la porte au soir du 31 décembre 2021. Il ne s’agit pas d’une problématique financière, comme l’assurent les deux entrepreneurs et frères Florent et Fabrice Foulon : « tout va bien pour nous. Il ne s’agit pas d’une faillite, personne n’est malade », affirment-ils dans un message Facebook publié sur le compte de leur entreprise, le 6 décembre.

Les deux frères mettent en avant deux éléments pour expliquer cette décision radicale. Tout d’abord, la difficulté de trouver de la matière première adéquate. « L’immense majorité des bois français s’en vont à l’étranger. USA ou Chine, au choix. Dans les Hauts de France, c’est plutôt nos amis chinois qui raflent la mise », expliquent-ils, pointant du doigt les « méthodes d’achat pour le moins agressives » des USA. Quant à la Chine, « vous voulez rigoler ? » écrivent-ils, avant de rappeler qu’elle a « décrété un moratoire sur l’abattage des arbres pendant 99 ans. Pendant quasiment un siècle, les Chinois n’exploiteront pas leurs forêts. Inutile de préciser que cela ne s’applique pas aux forêts des autres pays ».

La scierie Foulon en veut à l’État. Les auteurs du texte rappellent qu’elle a financé pendant des décennies le Fonds Forestier National, une contribution financière destinée au reboisement et à l’entretien des forêts nationales. « On nous a taxés pour avoir de belles forêts, qui sont maintenant revendues à l’étranger » soulignent-ils amers, évoquant un État qui ignorerait les scieries de taille intermédiaire : « Les seuls lots proposés sont généralement des frênes malades ou des épicéas scolytes. Inutilisable en scierie, destinés au bois de chauffage ». Au point d’en arriver à cette aberration ou « il est plus facile pour nous de trouver de l’iroko du Cameroun, que du douglas des Hauts de France… »

Les coûts explosent depuis un an. Non seulement sur certaines essences « le coût a quasiment triplé », mais il s’accompagne de « délais en forte hausse » et d’une « qualité qui n’a jamais été aussi mauvaise ». Acheter du Sapin rouge « revient à jouer au trader », sans garantie des dates de livraison et de gage de qualité. « Qui veut jouer à la roulette russe ? », interrogent les deux frères qui en tirent cette conclusion lapidaire, la fin de leur entreprise : « agir de la sorte nous permet de nous “retirer” de cette course folle qui n’a ni queue ni tête ».

Le 8 juin dernier, la Fédération nationale du Bois tirait la sonnette d’alarme via une pétition pour dire « STOP aux exportations massives de grumes ! ». Face à la captation des arbres par la Chine et les USA, elle avait prévenu : « Ne vous trompez pas, la crise d’approvisionnement des scieries est d’une violence jamais connue à ce jour et ne fera que s’exacerber dans le futur ». Cette crise risquait de se matérialiser par la condamnation d’« une filière » et « mettre en danger le secteur des artisans, de la construction, de la logistique ». La fermeture de la scierie Foulon est la matérialisation du cri au secours lancé six mois auparavant.

Cette scierie vit donc son dernier jour. Pour mieux revenir un jour ? La fratrie ne l’exclut pas, mais pas à n’importe quel prix. « Il serait suicidaire de reprendre dans 6 mois. Il faut une remise en cause profonde de la gestion des forêts en France, dans les niveaux les plus hauts de l’État ». Sans passer par un protectionnisme sur le bois de France et une préservation de ses essences — notamment le chêne — il est peu probable de revoir la scierie Foulon.

N.D.L.R. : Gestion publique.

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