Message #49907

Jean-Pierre ARBON
rédigé le Mardi 29 Septembre 2020
Désultoirement vôtre ! - Archives, histoire, documentation - Références culturelles
De Simone de Beauvoir et du surf
Publié le 29 septembre 2020

J’ai appris que l’histoire de Pyrrhus et Cinéas, que j’ai rapportée l’autre jour, avait inspiré à Simone de Beauvoir un petit essai, le premier qu’elle ait publié. Je me le suis donc procuré, curieux de voir ce que cette anecdote avait pu inspirer à notre philosophe. Eh bien, pas grand chose, à mon avis (mais je ne suis pas allé au-delà d’une vingtaine de pages).

Elle dit que Cinéas semble sage mais qu’il est en réalité un apôtre de l’à quoi bon, du genre « à quoi bon partir si c’est pour rentrer chez soi ? » Elle écrit que le carpe diem d’Horace n’est qu’une illusion ; que « toute jouissance est projet » et suppose une projection vers l’avenir ; que si on fait halte pour goûter le présent ce n’est que pour le plaisir de contempler le chemin déjà parcouru et afin de mieux repartir, car quand cette pause se prolonge on en vient vite à s’ennuyer. Bref elle n’aime pas vraiment l’instant présent. L’homme doit agir, il se définit par l’action (le « faire » dont parle Sartre). Elle n’apprécie donc pas non plus le repos.

J’ai arrêté ma lecture car j’avais du mal à la suivre. Pour moi, le secret de la vie consiste précisément à se tenir dans le présent, c’est-à-dire à vivre en se tenant à l’écart aussi bien des « espérances qui flattent les désirs » (dixit Plutarque), que des alanguissements de la nostalgie : c’est parvenir à s’affranchir des tensions entre futur et passé auxquelles, par nature et culture, nous sommes constamment soumis. Et par rapport à la course perpétuelle, en effet, on peut appeler ça le repos.

Pourtant, c’est tout sauf une posture immobile, car le temps avance, et les heures passent, les saisons, les années. Et ce temps inexorable, il s’agit de se tenir sur sa vague haute et fine, comme un surfeur.


N.D.L.R. : De Simone de BEAUVOIR, je n'ai encore jamais rien pu lire de ma vie.

Beaucoup apprécié en revanche le commentaire, plein de féminité (et même, sans doute, de solidarité féminine), de Claudine sur Juliette GRECO.

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