Message #45275

Mon deuxième angle d'attaque pour essayer de nous y retrouver dans le fatras des inventaires dernièrement exhumés par Eric YVARD sera de m'intéresser aux pièces d'habitation visitées.

A ce sujet, nous manquons singulièrement de repères puisque le plus ancien plan connu de notre manoir favori date de 1824 (voire d'un peu plus tôt, cf le fournil du manoir absent du premier plan ci-dessous)...

... et le plan des intérieurs le plus ancien, de 1883 :

Donc deux commentaires préalables :
- nous ne connaissons pas les plans intérieurs de ces bâtiments au début du XVIIIème siècle, alors que la charpente des écuries est datée de 1754 et que celle du colombier lui est peut-être contemporaine ;
- s'il est antérieur d'un an à l'incendie qui a ravagé notre logis favori en 1884, le plan de 1883 ne donne aucune indication sur le premier étage et les combles des bâtiments en question.

Malgré ces handicaps, essayons de suivre à la trace nos tabellions de 1716 et 1722. La chose n'est pas aisée :

1 - Etat des lieux en 1716 :

- La visite commence par la "salle dudit logis" où se trouvent "deux grandes tables à manger". Il doit s'agir de la salle-à-manger du plan de 1883.
- Puis on nous parle d'un "petit cabinet dépendant de ladite salle" contenant "une cheminée". Et là, je ne vois guère que la "bibliothèque" du plan de 1883 susceptible de remplir ce rôle.
- Curieusement, on passe ensuite à la "cuisine" (cf plan de 1883), donc on traverse l'entrée du logis avant d'avoir achevé l'inventaire de la partie Sud du rez-de-chaussée du logis.
- Ensuite, on nous indique qu'est visible de la cuisine "la porte qui sert pour l'exploitation de la chambre où est décédé ledit feu seigneur de la Challerie ayeul et pour l'exploitation de la cave dudit logis (...) et pour l'exploitation de l'office". Avec cette succession de "et", ces indications ne nous semblent pas clairement rédigées mais paraissent vouloir dire que la chambre en question se trouvait dans le bâtiment Nord, sans doute là où le plan de 1883 indique un caveau ou, si l'on préfère, là où, aujourd'hui, se trouvent l'arrière-cuisine et la moitié Est de la future cuisine. Tout cela laisserait donc entière la question de savoir quel était l'usage de la pièce du rez-de-chaussée de la tour Nord-Est.
- Après quoi, le groupe autour du tabellion entre dans la "cave dudit logis", ce qui semble exclure la dépendance actuellement connue sous le nom de cave. On serait donc toujours dans le bâtiment Nord. On nous dit qu'un "caveau" jouxtait cette "cave" et, si je comprends bien, que ledit "lieu fermé" comportait un "grenier, sans doute notre étage actuel du bâtiment Nord. Ce grenier était accessible par un "escalier", ce qui peut paraître une dénomination pompeuse pour ce qui devait exister là à l'époque. D'où l'hypothèse qu'on parle ici d'un grenier qui se serait trouvé sous les combles du logis. Cette dernière interprétation paraît conforté par le fait qu'après avoir visité ce grenier et cet escalier, le groupe autour du tabellion s'est retrouvé dans la "chambre sur la cuisine". Le groupe est ensuite passé dans le "cabinet au côté de ladite chambre", c'est-à-dire dans la pièce du premier étage de la tour Nord-Est.
- Puis le groupe visite l'"écurie dudit logis", donc traverse la cour.
- On nous parle ensuite du "pressoir". Pour ce rôle, je ne vois guère que l'actuelle charretterie, d'autant qu'on nous indique l'existence d'une "autre chambre (...) au-dessus du pressoir" et encore d'une "autre chambre de sur ledit pressoir servant de fenil".
- Puis on passe dans "le pavillon au bout de la terrasse du bout du jardin", un bâtiment dont la trace a disparu et qui ne semble pas avoir pu être l'actuel fournil du manoir, celui n'apparaissant pas encore construit à l'époque du premier plan ci-dessus mais l'avoir été à l'époque du second, daté de 1824.
- La rédaction suivante jette le trouble puisqu'il y est de nouveau question de la "chambre où est décédé ledit feu seigneur de la Chaslerie aïeul", avec, cette fois, la précision qu'il y a une "galerie auprès de ladite chambre". En fait de galerie, je ne vois guère au rez-de-chaussée du logis que le volume qui se trouve dans le salon actuel, le long du mur Ouest de ce salon, de sorte que la chambre en question serait celle portée sur le plan de 1883 dans le coin Sud-Est du salon actuel. Mais alors, comment la porte de cette chambre aurait-elle été visible de la cuisine, comme précisé plus haut ? Mystère ! Mon hypothèse principale est néanmoins que la chambre de l'aïeul se trouvait bien au rez-de-chaussée du logis, et dans cet angle du salon actuel, de sorte que la mention d'une porte de la chambre visible de la cuisine aurait été fausse. On aurait pu imaginer également que la chambre de l'aïeul se trouvait au rez-de-chaussée de la tour Nord-Est, pièce agréable au soleil levant mais, d'une part, ce volume aurait été exigu pour le mobilier recensé dans cette chambre, d'autre part, je ne vois pas où se serait trouvée la galerie adjacente.
- Mon hypothèse sur cette chambre de l'aïeul se trouve confortée par l'indication qu'il y avait une "petite chambre à côté (...) servant à coucher les servantes dudit logis". Intéressant... Pour ce rôle de chambrette des soubrettes, je ne vois guère que la pièce du rez-de-chaussée de la tour Sud-Ouest, indiquée comme bibliothèque en 1883.
- Puis nouveau passage dans l'"écurie".
- Puis le texte devient très confus. Il est de nouveau question de la "galerie au côté de la chambre où est décédé ledit feu seigneur de la Challerie aïeul". On cite "la porte du bas de la galerie qui tend à la galerie de la chambre des enfants mineurs" (comprenne qui pourra, non sans ajouter que cette galerie (seconde galerie ?) est dotée d'un "grenier" accessible par une trappe, ce qui me donne à penser qu'on se trouve là dans ce que j'appelle aujourd'hui la "salle dévastée", au 1er étage du logis.
- Enfin, retour dans la chambre du macchabée.

2 - Etat des lieux en 1722 :

- A la suite du décès de la belle-fille en question, la visite commence par l'"escalier qui conduit (...) à la chambre de feu ladite dame". Donc nous arrivons au premier étage, dans ce qui semble la première partie de la "salle dévastée" actuelle, ce qui paraît corroborer l'idée que la pièce voisine est la chambre des enfants mineurs, au-dessus de la chambre du grand-père décédé. Tout cela paraît logique. Dans cette chambre de la belle-fille, il est question d'une cheminée, ce qui confirme mon interprétation.
- Ensuite il est question du "cabinet étant à côté de ladite chambre" (comprendre de la belle-fille). Sans doute la pièce au 1er étage de la tour Sud-Ouest avec ses latrines. On nous parle d'"appartement (de la belle-fille)", ce qui, une nouvelle fois, me paraît conforter mon interprétation. Et on évoque deux "greniers" dudit appartement, dont l'un accessible par une porte (au niveau du démarrage de l'avant-dernière travée du grand escalier ?).
- On cite l'"office de ladite maison" et une "salle dépendant dudit logis", ce qui donne à penser que, depuis le décès de son beau-père, la défunte avait étendu sa zone d'habitation ou d'influence au rez-de-chaussée, ce qui paraît normal. D'où la mention des "autres chambres et cave", étant signalé que les enfants mineurs semblent désormais établis dans l'ex-chambre du grand-père.
- Pour le reste, visite de la "chambre au-dessus du pressoir" et des "étables".

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