Message #1658

Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Mercredi 25 Aout 2010
Désultoirement vôtre ! - Généalogie et sagas familiales
J'en suis désolé pour les visiteurs du site qui trouveraient que je m'égare, mais je viens de remettre la main, dans le capharnaüm de la Chaslerie, sur trois vieux albums de photos de famille, deux de mes grands-parents paternels et un de mes grands-parents maternels.

Même s'il est vrai qu'évoquer mes grands-parents nous éloigne quelque peu de l'objet de ce site, je me permets de rappeler que celui-ci avait été conçu avec l'idée initiale d'une transmission de connaissances à mes fils, certes sur la Chaslerie, mais aussi - pourquoi pas ? - sur notre généalogie.

Elargir ainsi l'objet du site a au moins deux autres avantages :
- d'une part, éviter que ne se perdent des informations (pas forcément essentielles, je le reconnais) que peu de personnes encore en vie connaissent ; de ce point de vue, le temps est nécessairement compté ;
- d'autre part, inciter des tiers à apporter des témoignages ; or, sans entrer dans des détails qu'un visiteur attentif du site a déjà pu comprendre, je puis confier qu'en ce domaine, celui-ci a d'ores et déjà plus que prouvé son utilité.

En plus, je viens de retrouver le mode d'emploi pour scanner les photos.

Donc, que vous le vouliez ou non, je vais mettre en ligne plusieurs vieilles photos. Et, pour commencer, "à tout seigneur, tout honneur" me voici à Tarbes, à l'âge de quelques mois (donc vraisemblablement en 1952 puisque j'ai été déclaré le 1er janvier de cette année-là), entre mes grands-parents paternels, Henri FOURCADE et son épouse Renée, née LABATU. Me reconnaissez-vous ? Et ne trouvez-vous pas que, dans ma barboteuse, j'étais (déjà ?) mignon tout plein ?

Il faut dire que mes parents n'étaient pas mal non plus. Les voici, photographiés à Dakar, sans doute en 1961. Mon père était alors officier dans l'artillerie de marine (ex coloniale) ; il devait, à l'époque, être l'aide de camp de l'ambassadeur Claude HETTIER de BOISLAMBERT, un gaulliste historique qui termina sa carrière comme grand chancelier de l'ordre de la libération. A Dakar, ma mère, professeur certifiée d'anglais, devait enseigner dans un collège de la médina.

Dans le prolongement de ce que j'ai indiqué ici le 25 mai dernier, je vais pouvoir illustrer à quel point les milieux sociaux d'origine de mes parents étaient différents.

Voici par exemple une photo prise en 1935 à Bouliac - je pense que c'était chez un oncle maternel de ma grand-mère paternelle qui avait fait fortune en Extrême-Orient, je ne me rappelle plus son prénom, l'oncle Alphonse peut-être -. Cette photo montre mon père en train de viser vers un tourniquet de pigeons de carton (et vers le photographe, sans doute son père) ; il est entouré de sa mère, de sa soeur aînée Jacqueline (morte en 1936, littéralement "en odeur de sainteté", de son frère Georges (décédé, je crois, en 1954) et d'un autre garçonnet, plus grand, que je ne suis pas sûr d'identifier ; il pourrait cependant s'agir de Jacques FOURNOL, petit-fils d'Alphonse GUERIN, je crois, et mari de ma marraine.

A peu près à la même époque, voici mon père en enfant de choeur (je me demande si la photo n'a pas été prise devant la "grotte miraculeuse" de Lourdres) :

Voici une idée des loisirs de mon père dans sa jeunesse, un camp scout dans une ambiance digne de l'époque :

On m'a raconté que mon père avait mal réagi à ce type d'éducation. Il manifesta son caractère en passant en coup de vent dans nombre d'établissements scolaires et eut même sa période zazou, comme le montre la photo suivante où il ne porte cependant pas sa fameuse cravate marquée P.M.F.I. (ce qui signifiait, paraît-il, "profond mépris pour la foule imbécile"...). Sur cette photo, il pose adolescent à côté de son frère cadet, Georges

Et l'on voudrait qu'avec un tel père, je n'aie pas l'esprit indépendant ? Mais ceci est une autre histoire, revenons à notre sujet.

D'abord avec une photo des grands-parents maternels de mon père, sachant que je n'en ai aucune de ses grands-parents paternels. Il s'agit ici de Paul LABATU et de son épouse, née GUERIN. Paul LABATU n'avait pas trouvé de meilleure idée que d'être brasseur à Tarbes, c'est-à-dire loin de tout champ de houblon. Son affaire, d'abord prospère, ne survécut pas à la crise de 1929.

Mon grand-père Henri FOURCADE a, lui aussi, tenté sa chance en créant une société dont je retrouve ce document, écrit de sa main :

Mais, là aussi, l'affaire périclita, de sorte que mon grand-père fit l'essentiel de sa carrière comme ingénieur à l'arsenal de Tarbes. Il tenta longtemps de démontrer que le "principe de Carnot" était faux, avec le succès que l'on imagine. Lorsque, à la fin des trop rares dîners que j'ai pris en sa compagnie je lui demandais : "Bon-Papa, fabrique-moi un mât-totem !", il choisissait une banane, la pelait soigneusement, la sculptait de quelques coups de couteau et me la donnait à manger ; c'étaient alors pour moi les meilleures bananes de la Terre...

Bref, pour en revenir à mon père, après une jeunesse jugée trop turbulente, il fut ni plus ni moins que sommé par sa mère de s'engager dans l'armée, direction l'Indochine. Car, pour cette sainte femme, il avait développé "des goûts et des occupations incompatibles avec son âge et sa situation" (sic)...

Mais avant de partir si loin se faire éventuellement tuer pour la patrie, les hasards de sa formation militaire lui firent faire étape dans la région de Toulouse. Le voici donc en bidasse à Castres, au côté de Georges. C'est alors, soit en 1950 je pense, qu'il rencontra ma mère au Café CARTOU de Saint-Sulpice-la-Pointe.

Aux termes d'un rapport préparé pour ma grand-mère paternelle, très inquiète de cette relation, par une de ses consoeurs de l'"Action catholique", ma mère, étudiante à Toulouse, était alors une "belle plante, élégante et attrayante". "Ah! Qu'en termes galants ces choses-là sont mises !" Qu'on en juge :

Et voici le Café CARTOU où avait poussé cette "plante", photographié au milieu des années 1930. Ma mère est l'enfant de six ou sept ans debout sur la table, semble-t-il.

Vous pourrez noter, au premier plan de cette dernière photo, un caniveau. Ce caniveau évoque pour moi un souvenir très précis : lorsque mes parents, en poste en Afrique (Tunisie ou Sénégal) revenaient passer une partie de leurs vacances en France, ma mère ne comprenait pas ce qui m'arrivait dès notre arrivée à "Saint-Sul" ; en effet, mon corps s'y recouvrait rapidement de boutons qui me démangeaient au point que, chaque soir, elle devait m'enduire de Phénergan pour m'éviter de me gratter. La vérité, que je n'ai comprise que dernièrement, c'est que, découvrant ou retrouvant ce fameux caniveau, si différent pour moi des terrains de jeux desséchés de mon Afrique accoutumée, je passais mon temps à y barboter avec des galopins de mon âge ou à y faire naviguer de frêles esquifs de ma fabrication. Le seul problème, vous l'avez deviné, c'est qu'à l'époque, à Saint-Sul, il n'y avait pas encore de tout-à-l'égoût...

Edouard CARTOU était un homme intelligent. Il me disait qu'il m'aimait "autant que ses chiens", ce qui, de son point de vue, était beaucoup. Parfois, en m'emmenant les promener jusque "là où le soleil touche la Terre", il m'entraînait à chanter son air préféré en conspuant sa bête noire, la "Séphio". Gravement blessé pendant la guerre de 14-18, il avait été ouvrier puis contremaître chez LATECOERE à Toulouse, puis chez RIGAUD, à Saint-Sulpice. Le voici, en espadrilles et cravate mais, curieusement pour moi, sans béret, devant son café, en train de réceptionner une livraison (c'est bien sûr ma mère qui est montée sur le marchepied du camion) :

M. RIGAUD, industriel entreprenant, avait coutume d'inviter périodiquement ses employés et les membres de leurs familles à diverses réjouissances. Un jour, ce devait être en 1925, ce fut au cirque à Lavaur. Malheureusement, il y eut un accident de voiture, sans doute l'un des premiers dans cette région, et mon arrière-grand père Pierre PAGEZE y périt. De ce dernier, il ne me reste plus que son "certificat de bonne conduite" que voici :

J'y note que mon arrière-grand-père mesurait 1 m 64. Or j'observe que ma mère mesure 1 m 70 et que mon père atteignait 1 m 78. De mon côté, j'ai plafonné à 1 m 87. Et mes fils mesurent tous deux plus de 1 m 95. Il semble donc que, dans ma famille, on prenne une petite dizaine de centimètres à chaque génération. C'est sans doute ce qu'on appelle la dégénérescence de l'espèce. Mais fermons la parenthèse.

Ma grand-mère maternelle, Juliette PAGEZE (dite Julietotte) avait très peu d'instruction mais un coeur d'or. Très jeune, elle avait été placée en usine où elle fabriquait des brosses en chiendent. Souvent, elle me chantait "le temps des cerises" ou encore "les roses blanches" qu'aujourd'hui encore je ne puis réécouter sans avoir les larmes aux yeux, et je lui répliquais en fredonnant "Julie la rousse" dont je n'étais bien sûr pas en âge de comprendre toutes les paroles, mais c'était là un autre de ses surnoms. Je crois qu'elle m'adorait. Elle me l'écrivait parfois, avec son orthographe si personnelle. En plus, c'était une excellente cuisinière et je garde un souvenir ineffable mais inoubliable de ses soupes aux choux aux longs filaments de gruyère, de ses "soupes à l'ivrogne", des escargots qu'elle faisait longuement jeûner dans la cave avant de les mitonner d'une façon unique, de ses "croustades" servies encore tièdes et légèrement caramélisées avec un fond de rhum. Bref, avec une telle grand-mère, ce n'était pas un hasard si Saint-Sulpice appartenait au Pays de cocagne. Voici donc Julietotte devant son comptoir du Café CARTOU, entre une bouteille de Pernod et une réclame de Byrrh :

Pour dire la vérité, mon rêve d'enfance était tout simplement que Julietotte eût épousé mon grand-père Henri FOURCADE. Car alors, je n'eusse plus eu de raison d'aller en vacances ailleurs que chez eux... (Ici, je ne suis pas sûr de ne pas me planter dans les modes et les temps ; il serait plus raisonnable que je me calme ou qu'à tout le moins j'interroge ma licenciée ès-lettres de mère...).

J'abrège, rassurez-vous. Donc, en 1952, je suis né à Rennes parce que mon père était élève à Coëtquidan. Le voici d'ailleurs en grand uniforme de Saint-Cyrien :

J'ai été prénommé Pierre-Paul, Henri, Bernard car Pierre était Pierre LEUTARD, mon parrain, un camarade de chambrée ami de mon père au camp de Castres, et Bernard, l'abbé Bernard de SOLAGES, qui unit mes parents. Lorsqu'il me vit pour la première fois, mon père déclara : "Voici Poussy le polytechnicien !" Comme mon premier acte fut d'arroser d'abondance le chirurgien-accoucheur, il ajouta : "Ce sera un bon artilleur !" Il ne me restait plus qu'à lui donner raison mais je ne l'ai fait qu'en partie...

Mes fils trouveront la suite de cette histoire dans la vingtaine d'albums de photos assemblés par mon père jusqu'à son décès en 1983 et conservés chez ma mère à Paris. Après 1983, c'est moi qui aurais dû prendre le relais. Mais je ne l'ai pas bien fait, la barre était trop haute. Les photos que j'ai prises irrégulièrement sont conservées dans des cartons, ici je crois, à la Chaslerie. Ou peut-être à Paris. Il resterait à les mettre en ordre. Je préfèrerais tirer parti des progrès techniques en en commentant quelques-unes sur ce site. Pour terminer, en voici une que Carole vient de retrouver et qui représente nos fils dans les tenues chinoises que j'avais dû leur rapporter d'un voyage professionnel à Hong Kong, en 1986. Mais ceci est une autre histoire...

(Zut alors ! Je ne sais pas où Carole a rangé cette dernière photo, je ne la retrouve pas. Quand je disais que c'est toujours le bazar ici...).

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