Histoire des occupants de la Chaslerie

@ Sébastien Weil :

Je ne pense pas que j'aie eu l'ouvrage que vous citez entre les mains, car je me souviendrais d'une vue du logis prise de la porte cochère et antérieure à l'incendie de 1884. Je serais très curieux de voir ce dessin, ne serait-ce que pour vérifier si, comme je le subodore, les fenêtres du 1er étage du logis étaient surmontées de lucarnes ; en outre, je serais très intéressé de voir la couverture originale du logis, avant qu'elle ne soit rebâtie 60 cm plus bas...

Je vous serais donc très reconnaissant de me transmettre le document évoqué (dessin et texte), par mail à penadomf@msn.com (pena comme La Haute Pénas, nom patois de La Haute Chapelle, et domf comme Domfront).

A ce propos, il faudrait certainement adjoindre une bibliographie à ce site. Je vais m'y employer, quitte à la compléter dès que de nouvelles infos me parviendront.

Quant à la suggestion que vous faites à la fin de votre message, j'en souligne l'intérêt à Thomas. A lui de jouer ! Dans l'immédiat, vous pouvez également m'adresser toute photo à l'adresse mail indiquée.

Incidemment, j'ai connu M. Jacques COUPPEL du LUDE, un homme d'affaires parisien apparenté aux COUPPEL et DURAND de SAINT-FRONT (donc à Marin Marie), qui s'intéressait à cette propriété parce que des "oncles" à lui (comme il disait) y avaient été élevés au début du 17ème siècle. Ceux-ci s'étaient alliés aux LEDIN de manière à conserver la charge de vicomte de Domfront. Par exemple, Brice COUPPEL, écuyer, Sieur de LESPINAY, vicomte de Domfront de 1615 à 1623 avait épousé en premières noces Marquise LEDIN, décédée prématurément, puis Nicole de MARGUERIT qui, devenue veuve en 1623, avait épousé en secondes noces en 1628 François LEDIN, écuyer, seigneur de la Chaslerie ; ce François LEDIN, dont Marquise LEDIN était la soeur, était lui-même le fils de René LEDIN qui fit construire - plus vraisemblablement reconstruire - en 1598 le logis du manoir. Par ce jeu d'alliances, François LEDIN fut vicomte de Domfront de 1628 à 1639, date à laquelle il démissionna de ces fonctions en faveur de son beau-fils, Siméon COUPPEL, etc.
Reçu ce matin, par la poste, la photo d'un article transmise par Sébastien WEIL que j'en remercie.

Il s'agit de "Notes recueillies sur l'arrondissement de Domfront, au mois d'avril 1852, par M. BLANCHETIERE, Membre de la Société Française", article publié en 1853 dans le "bulletin monumental ou collection de mémoires et de renseignements sur la statistique monumentale de la France ; 2è série, tome 9è, 19è vol. de la collection, par les Membres de la Société Française pour la Conservation des Monuments, publié par M. de CAUMONT" à Paris.

Louis BLANCHETIERE relate dans ces notes une excursion qu'il a faite dans l'arrondissement de Domfront en avril 1852. D'emblée, ces notes témoignent des préoccupations et des compétences géologiques de leur auteur, ainsi que de son intérêt pour les routes ; on peut donc se demander si ce n'était pas une sorte d'ingénieur des Ponts ou des T.P.E., comme l'on dit aujourd'hui.

Les notes relatives à la "Châlerie" occupent 10 pages du document et sont agrémentées de la reproduction de deux croquis qui doivent être de la main de Louis BLANCHETIERE. J'ai déjà commenté ces croquis hier, notamment l'un des deux, fort instructif quant à l'état du logis avant l'incendie de 1884.

Quant au texte lui-même, il est également riche d'enseignements, même si j'y relève une erreur de date, Louis BLANCHETIERE ayant cru que le logis datait de 1558, alors qu'il date de l'année de l'édit de Nantes.

On y apprend que les épis du logis étaient en terre cuite, ce que ne permettait pas de comprendre le croquis. A cet égard, la prudence manifestée par M. RONSSERAY dans son article annexé à ce site internet ne peut qu'être louée ; il a en effet pris ses distances avec les affirmations de VIOLLET-LE-DUC pour qui une couverture en ardoise devait s'accompagner d'épis en métal. C'est sans doute la proximité géographique de GER, lieu où étaient modelés ces épis, d'ailleurs avec une argile de LA HAUTE CHAPELLE, qui a permis à M. RONSSERAY de comprendre que cette industrie locale ne pouvait qu'inonder le pays de ses productions, poussant ainsi à une sorte de sur-consommation locale de ses "grès".

Louis BLANCHETIERE donne d'utiles informations sur l'occupation des bâtiments. Le "château" est "inhabité depuis la Révolution", servant "à peine à déposer des fourrages et bois" (pas étonnant que la foudre ait pu y mettre le feu en 1884...). En revanche, l'"aile gauche est aujourd'hui à peu près toute occupée par des fermiers", écrit-il.
"Presque tout le château" est recouvert d'ardoises, ce qui confirme qu'il y avait aussi de la tuile sur certains bâtiments sur cour (on le sait aussi grâce à une photo ancienne des écuries et du colombier).
Le logis comporte une "cuisine à très-grandes dimensions", sans doute la salle-à-manger actuelle puisqu'un four est toujours visible dans sa cheminée.
Le rez-de-chaussée et le "premier étage" (il y en avait donc un second, ce qui confirme la présence de grandes lucarnes) du logis sont "pavés en briques carrées", revêtement qui a aujourd'hui totalement disparu (sauf dans un coin de la cage d'escalier).

Louis BLANCHETIERE s'est beaucoup intéressé à la chapelle et à son décor intérieur. Il écrit en particulier : "Sur les murs se trouvent des fragments de peintures à fresque" (erreur, ce ne sont pas des fresques mais des peintures murales, obéissant à une autre technique ; les fresques sont peintes quand l'enduit n'est pas encore sec, contrairement aux peintures murales) "d'un fort bon style ; mais dont il est impossible de reconnaître les sujets, tant elles ont été détériorées par le temps et par le choc des fagots que les fermiers y déposent" (comme si le logis ne leur avait pas suffi, hélas !). S'ensuit une description de ces décors qui montre que, durant le siècle et demi suivant, les dégradations se sont poursuivies, Louis BLANCHETIERE ayant d'ailleurs compris que "Ce qui a malheureusement hâté la destruction de ces intéressantes décorations, c'est le peu de solidité de l'enduit qui les supporte. En effet, il n'est formé que d'une mince couche d'argile recouverte d'une pellicule de chaux, le tout cédant au moindre choc. Il est probable que cet enduit n'avait pas été fait en vue d'y appliquer des peintures, mais que l'artiste officieux, hôte du châtelain, aura, sans préparation, jeté à l'improviste ses heureuses conceptions sur les murs tels qu'il les a trouvés" (ici, je précise que cet artiste était en fait tombé amoureux de la servante du manoir qu'il a fini par épouser, un LEDIN lui servant même de témoin).
A la fin de ses notes sur la chapelle, Louis BLANCHETIERE s'intéresse aux noms peints sur les sablières intérieures de la chapelle, notamment ACHARD, LEVERRIER, FORTIN et de COURCELLES, CORMIER, COUPEL, ainsi qu'à Pierre IV LEDIN (à qui, s'étant trompé de dates comme on l'a dit, il attribue à tort la reconstruction du logis), Charles-Claude LEDIN et Pierre-François LEDIN.

En fin d'article, Louis BLANCHETIERE complète sa description du site de la Chaslerie et précise que les douves avaient "au moins 10 mètres de largeur et 2 mètres de profondeur" (il négligeait leur envasement, voir photothèque jointe), que "les fermes" (sans doute la ferme et la cave, pour reprendre ma terminologie) voisinaient un verger, et que des "charmilles alignées ombrageaient le jardin" (ce sont ces dernières remarques, que j'avais déjà lues, rapportées par un autre érudit local, qui m'avaient conduit à faire replanter un verger et des charmilles alignées à la Chaslerie).
La paléographie est un art difficile d'autant plus que chaque siècle a ses codes. Le XVIIIe n"'est pas le plus ardu.
L'"acte notarié (Domfront) que je vous ai transmis concerne « une petite terre et un marée » situés au lieu de la Burelière. En fait c"'est un ensemble consistant en « maisons, jardins, vergers, terre labourable et préalle » pour la somme de 25 livres, 4 poulets et un coin de beurre.
Il faut se méfier de l'"expression « maisons, jardins, etc » car les notaires ont tendance à employer à cette époque des formules types (ce qu'"ils font toujours d'"ailleurs) qui n"'expriment pas forcément la réalité (ce qu'"ils ne font plus, du moins j'"espèreÂ…). La somme relativement peu onéreuse du bail dit clairement qu"'il ne faut pas y voir un ensemble du type « village ». Le « s » à maisons signale la présence d"'une maison habitable (on trouve aussi les termes de « demeurable » ou de « manable ») avec un ou deux bâtiments agricoles.
Le terme préalle est simple à comprendre : pré.
Le bien baillé est donc modeste.
Il est difficile pour ne pas dire impossible de localiser les parcelles. Peut-on seulement avoir une vue assez large. La toponymie est une méthode par laquelle vous pouvez localiser l'"emplacement de la Burelière. Si cette localité, ou village, n"existe plus, vous pouvez regarder dans le cadastre napoléonien du début du XIXe.
Un mot sur la profession du preneur : laboureur. Les laboureurs devaient constituer le niveau supérieur des ruraux. Détenteurs des instruments de labours, ils étaient en petit nombre. Sur ce point je ne peux en dire plus car je m"'intéresse seulement maintenant aux « catégories socio-professionnelles » dirions-nous aujourd"hui.
On trouve quantité de GRIPPON sur le secteur de la Haute Chapelle dès le XVIIIe. On parlerait d"'une vieille famille ancrée dans le Domfrontais.
Un mot enfin sur les inventaires après décès. Les inventaires sont une source précieuse car ils révèlent la richesse du défunt. La méthode est assez simple : en connaissant les dates des décès des nobles propriétaires vous pouvez feuilleter les archives notariales de Domfront à ces périodes. Il est possible que cela soit dans d"'autres fonds notariés mais j'"en douteÂ…. Pièce par pièce l'"inventaire reconstitue le décor de l'"habitat au décès (parfois des jours après) de l"'individu.
Marie-Françoise Laurensou m'a signalé hier que les Archives départementales de l'Orne étaient consultables en ligne. Elle m'a même communiqué, et je l'en remercie, deux documents qu'elle a imprimés à partir de cette source. Ils sont relatifs au mariage, en 1701 de Marie Anne de Leydin (encore une autre orthographe !) avec Louis de Groult, écuyer, seigneur de Beaufort. Il s'agit d'une dispense de ban, rédigée en latin, accordée par Louis Antoine de Noailles, archevêque de Paris, et de l'acte de mariage correspondant. Dans la traduction du premier document que Marie-Françoise m'a également communiquée, je relève que cette Marie Anne de Leydin était la fille de Jacques et d'Anne-Marie de Caignoux (le nom Caignou figure bien sur une sablière de la chapelle de la Chaslerie, du côté des brus) , et surtout que cette dispense était adressée "à notre cher curé ou vicaire de l'église paroissiale de la Chalerie". Est-ce à dire que la chapelle du manoir était alors considérée comme une église paroissiale, ou bien s'agit-il d'un "lapsus calami" du secrétariat de l'archevêque susnommé ? Je l'ignore.

En tout cas, ces documents sont l'image 267 et l'image 17 du registre paroissial de La Haute Chapelle en ligne sous la cote 3NUMECRP201/EDPT32_22 (comme ça se prononce !). Autant dire qu'il fallait effectuer un travail de bénédictin, ou bien beaucoup de chance, pour tomber dessus. Il faudra que je demande à Marie-Françoise comment elle s'y est prise pour les trouver.

Quant à moi, je devrai peut-être attendre que Google mette en ligne un moteur de recherche couvrant les documents manuscrits déposés aux Archives de l'Orne avant de cliquer sur "Ledin", "Lesdain" ou "Leydin" pour explorer cette mine inédite. On y est presque, semble-t-il !
M. François Lamer m'a donc transmis un document de 7 pages dactylographiées, que je vais commenter ici, dans la mesure où il apporte des informations précises, certaines inédites pour moi, à propos de l'histoire de la Chaslerie.

Ce document s'intitule "Notes généalogiques sur la famille Lévêque et plusieurs familles qui lui sont alliées, écrites d'après de vieux livres et papiers de famille de 1854 à 1893 par Charles Lévêque". Il y est précisé que le document original avait été recopié en 1854 par le frère de Charles Lévêque puis recopié par une descendante de celui-ci mais qu'il a disparu lors des bombardements de 1944.

Je ne suis pas en mesure de valider la qualité de ce document. Je me contenterai donc de digressions à l'occasion de l'évocation des informations que j'y ai relevées.

1 - La première impression que je retire de ce document, c'est la confirmation de l'étonnante stabilité, à travers les siècles, du tissu social de ce coin du bocage normand.

Selon le document, le premier membre de la famille Lévêque dont on ait conservé la trace est Jehan Le Vesque, décédé en 1568, soit 30 ans avant l'édification du bâtiment principal de la Chaslerie, tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Or, nombre des autres noms de familles cités dans le document me sont familiers car ce sont, aujourd'hui encore, les noms de voisins de la Chaslerie.

A travers le document, on perçoit également, outre la profondeur de l'enracinement local, l'opiniâtre permanence ou la patiente progression sociale de plusieurs de ces familles. Ainsi, le premier Ruault cité est un notaire actif dans le secteur en 1590 et logé à la Vaidière, sur le territoire de la commune voisine de Saint-Mars d'Egrenne ; or, j'ai rencontré dernièrement un Ruault du Plessis Vaidière, étudiant en notariat à Rennes. De même, la branche de la famille Roulleaux apparentée aux Lévêque descend notoirement d'un révolutionnaire actif, représentant du Directoire à Domfront, ainsi d'ailleurs que de Beaumarchais ; cette branche a produit depuis deux siècles, sous le nom de Roulleaux-Dugage, nombre de préfets et de parlementaires défenseurs des bouilleurs de cru ; elle a même rejoint la noblesse pontificale, avec le titre de baron, à ma connaissance durant la première moitié du XXème siècle.

Dans un tel contexte, je mesure à quel point le méridional que je suis, sans attaches familiales locales, peut apparaître différent ("horsain, comme ils disent). Je serais d'ailleurs curieux de savoir si la greffe prendra à un stade de ma descendance, parmi les futurs propriétaires de la Chaslerie (on voit là que je me considère volontiers comme le premier - par l'ancienneté - représentant de la troisième famille propriétaire de la Chaslerie, après les Ledin et les Lévêque).

2 - Il est signalé que l'ancienne orthographe du nom de la famille Lévêque, soit Le Vesque, se retrouve dans la dénomination encore en vigueur au XIXème siècle de "Baillée aux Vesques" pour désigner la terre de la Baillée, à Saint-Mars-d'Egrenne (Orne), appartenant encore à la famille Lévêque du temps de l'auteur du document.

Je me suis rendu il y a huit jours aux lieux-dits évoqués dans ce document, à savoir la Baillée Auvêque (orthographe contemporaine sur mon plan de l'I.G.N.), la Source et la Jarrière, trois "villages" limitrophes sis sur le territoire de Saint-Mars d'Egrenne.

On peut imaginer que le paysage en était riant tant qu'il demeurait bocager. Aujourd'hui, là comme ailleurs, hélas, l'électrification des campagnes et l'agriculture intensive ont altéré le site. Ce dernier est par ailleurs plaisant puisqu'il fait face à la commune de Torchamp, de l'autre côté de la vallée, encaissée à cet endroit, de la Varenne . L'Egrenne conflue légèrement en amont des lieux-dits en question.

Certains membres de la famille aiment, semble-t-il, rappeler l'ancienne orthographe de leur nom.

Ainsi, un témoin direct m'a raconté qu'Henri Lévêque (le père de mon vendeur), qui est enterré dans la chapelle de la Chaslerie, se présentait toujours comme "Henri Lévêque, grand L, petit e, grand V".

De même, il ne m'a pas échappé que le panneau qui signale l'arrivée à la Baillée Auvêque porte actuellement le nom de "Baillée aux Vesques" mais que ce panneau n'est pas du modèle de type D.D.E. des panneaux des "villages" voisins.

3 - Me promenant à proximité des bâtisses en question, je me suis rendu compte de leur médiocre état d'entretien, mais aussi de l'ancienneté de certains bâtiments qui ne sont pas en parpaings.

En fait, le bâtiment le plus intéressant, de qualité manoriale, est le logis de la Jarrière, dont une porte et une fenêtre sont ornées d'un linteau en accolade, et une fenêtre d'une grille fleurdelisée (je m'étonne d'ailleurs que ce logis ne soit pas cité dans l'ouvrage de Bernard Desgrippes, "Châteaux et manoirs du Domfrontais"). J'ai soigneusement observé les granits qui ont servi à la construction de la Jarrière, sans doute au début du XVIème siècle compte tenu de ces accolades.

Car, il y a une quinzaine d'années, lors d'une "Journée du patrimoine", un visiteur m'avait signalé, et je l'avais noté, que l'imposante cheminée qui orne la salle à manger du bâtiment principal de la Chaslerie provenait de la "Jarrière à Torchamp". Il s'agit à l'évidence, vu la couleur du granit, de la Jarrière à Saint-Mars d'Egrenne. Je suppose que cette transplantation est postérieure à l'incendie de 1884 évoqué sur ce site internet. Sans doute a-t-elle été organisée par Henri Lévêque, lors de ses travaux des années 1950 ou 1960.

4 - Le document transmis par M. Lamer donne la réponse à la question qu'il avait posée ici.

Une note en bas de page (la note 11) indique en effet qu'Eugène Constant Léveque Lepail "se fit inhumer dans la chapelle de la Challe ? propriété qui appartenait à sa femme par sa famille Roulleaux la Vente (appartient encore à une branche Levêque, cousins)".

Il s'agit à l'évidence de la chapelle de la Chaslerie où reposent, comme en témoignent ici des photos de la "Photothèque", Eugène Constant Lévêque et son épouse Sophie Adélaïde Roulleaux.

Or, jusqu'à cette indication, j'ignorais l'identité des propriétaires de la Chaslerie après sa vente, comme Bien National, en 1794, à "Roland Gaupuceau et Goupil". Il serait sans doute intéressant, dans le prolongement de cette information, d'expliciter le lien, s'il existe, entre l'un ou l'autre de ces personnages et la famille Roulleaux-Dugage.

5 - Le même document signale qu'une fille d'Eugène Constant Lévêque et de Sophie AdélaÎde Roulleaux, prénommée Eugénie Marie et née en 1821, épousa en 1842 "Louis André Goupil dont les parents riches propriétaires habitaient la commune de Tessé la Madeleine".

Grâce au document transmis par M. Lamer, je comprends que c'est cette Eugénie-Marie Goupil qui a été la marraine, alors âgée de 70 ans, de la cloche de la chapelle de la Chaslerie, ainsi que l'atteste l'inscription sur cuivre que nous avons retrouvée lors de la restauration de la couverture de la chapelle (il y a cependant un doute sur la date, donc sur l'âge de la marraine, car la photo sur laquelle on l'a lue est très floue ; voir "Photothèque" ; il faudrait remonter dans le clocher pour en avoir le coeur net). J'en déduis que c'est peut-être son père qui avait été à l'origine des décors peints au XIXème siècle autour des deux fenêtres de la chapelle. Ainsi, comme moi, ce prédécesseur aurait veillé de son vivant à restaurer la chapelle où il comptait être enterré le plus tard possible. Et l'on sait que, comme son épouse, il est mort à un âge tout à fait respectable.

Quant à la famille alliée Goupil, l'important château néo-Renaissance de Tessé-la-Madeleine, qui sert aujourd'hui d'hôtel de ville à Bagnoles-de-l'Orne, a été construit ainsi que le relate un numéro spécial de "l'Illustration" daté de 1927.

Je cite le passage : "En 1850 fut aussi édifié le château de Tessé-la-Madeleine ou de la Roche-Bagnoles par M. Goupil. Grande bâtisse, sans vrai style, mais admirablement situé, qui abrita longtemps une des plus grandes fortunes de France (...)".

Comment ce M. Goupil avait-il bâti cette fortune ? Quels étaient ses liens avec l'acheteur de la Chaslerie, Bien National de 1794 ? Ce serait sans doute intéressant de l'apprendre.

Quoi qu'il en soit, une nouvelle fois, ce site internet vient de montrer son utilité pour faire remonter à la surface des informations pertinentes sur la Chaslerie et son histoire.

Bien des points demeurent obscurs mais je ne doute pas qu'avec l'aide des visiteurs du site, nous aurons encore de belles occasions de progresser ensemble dans cette recherche et cette connaissance.

A cet égard, je précise qu'au delà de ces considérations partielles, et peut-être partiales, sur les familles qui ont, de longue date, connu la Chaslerie, la priorité pour moi est sans conteste de me procurer des vues de la Chaslerie avant l'incendie de 1884. En effet, depuis que j'en ai fait l'acquisition, je rêve d'en relever les lucarnes qui, selon moi, surmontaient les fenêtres du premier étage du bâtiment principal. Compte tenu de la similitude des constructions, je pense à ce stade de mes informations que ces lucarnes devaient ressembler à celles du manoir de Chaponnais à Domfront, détruit lors des combats de la Libération mais dont il reste des cartes postales anciennes. Ce devaient donc être des lucarnes d'un modèle assez simple.
Aux archives départementales de l'Orne, Jean-Claude MARTIN a attiré mon attention sur deux documents qui viennent d'entrer dans ses collections.

Il s'agit de deux pièces d'un procès qui opposa, apparemment en 1667, les religieux de Lonlay au seigneur de la Chaslerie.

Le premier document comporte dix pages. En voici la première :

Le second tient sur la seule page suivante :

Il semble qu'il y soit question d'une contestation sur le "droit de présentation" à l'église de La Haute Chapelle, entre les religieux de Lonlay et Jacques LEDIN à qui, selon l'"Histoire" rapportée par ce site, ils venaient de vendre la seigneurerie de La Haute Chapelle.

Hélas, je peine beaucoup à déchiffrer ces manuscrits. L'écriture en est fleurie d'arabesques et de volutes très particulières, comme le montre par exemple la dernière page du premier document :

Donc, si un visiteur du site se sentait le talent d'un paléographe, je lui serais reconnaissant de se faire connaître pour que je lui communique les autres pages, en vue d'une transcription.
Peu après mon acquisition de la Chaslerie, j'avais fait la connaissance de Jean de VALLAMBRAS, demeurant à Passais-la-Conception, décédé depuis lors, qui m'avait aimablement communiqué l'extrait suivant, assez pittoresque ma foi, des registres paroissiaux de la commune de la Coulonche :

Heureuse époque où l'on savait traiter ses amis avec tant d'égards !
Installé à Paris à l'enseigne Saint Hélion au milieu du siècle dernier, Jean DURAND de SAINT-FRONT faisait commerce de vieux papiers. Ce proche parent du peintre MARIN-MARIE, allié aux COUPPEL donc aux LEDIN, avait notamment pour client Henri LEVEQUE, le père de mon vendeur, ainsi que le prouve la lettre suivante que j'ai retrouvée dans un classeur que, fort heureusement, mes prédécesseurs avaient laissé à ma disposition lorsque je suis entré dans les lieux :

Lettre de Jean DURAND de SAINT-FRONT à Henri LEVEQUE.

Saint Hélion a ainsi vendu, donc dispersé, nombre de documents issus du chartrier de la Chaslerie, ce qui est fort regrettable pour la compréhension de l'histoire du manoir. Il reste cependant, aux archives départementales de l'Orne, un dossier intitulé "fonds Durand de Saint-Front", rangé sous la cote 80J7, dans lequel on retrouve un certain nombre de chemises consacrées à diverses familles nobles du bocage. La chemise la plus épaisse est relative aux LEDIN. J'ai commencé à la consulter hier et à prendre la photo des documents qui, à mes yeux de profane, sont apparus à la fois lisibles et intéressants.

Ce message traitera de questions d'héraldique, un domaine où je suis parfaitement incompétent mais qui peut produire de jolies images.

Voici, pour nous remettre en jambes, l'écu des LEDIN en noir et blanc ; c'est une gravure qui doit, comme les documents anciens suivants de ce message, dater du XVIIIè siècle. Les rayures horizontales représentent le bleu ("azur") et les petits points, l'"or" :

L'écu des LEDIN.

Dans le fonds Durand de Saint-Front, j'ai trouvé également les 4 feuilles suivantes que je vous laisse découvrir (la première photo représente la seule feuille dont le verso est vierge).

Première feuille (appelons cette photo la photo A). Elle retrace, de bas en haut, la généalogie des LEDIN, de Pierre II LEDIN à François LEDIN et à ses frères et soeurs :

Recto d'une première page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front (il n'y a rien sur le verso).

Pour arriver à déchiffrer cette première feuille, mieux vaut s'aider du document suivant, tiré du recueil de Patrick DELAUNAY :

Deuxième feuille, recto (photo B). Il s'agit des armes composées d'un LEDIN qui avait, dans son ascendance, des représentantes des familles d'ORGLANDES, MUSTEL du BOSC-ROGER, LE VERRIER, ROGER de COLLIERES, CORMIER de la BINDELLIERE, de MARGUERIT et HEBERT (les indications au crayon ont été portées, manifestement, par un collaborateur du marchand Saint Hélion, désireux de proposer ces vieux papiers à des descendants en vie des familles concernées...) :

Recto d'une deuxième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Le premier à être dans ce cas fut Charles-Claude LEDIN, comme il ressort de ce second document, suite du premier, tiré du recueil de Patrick DELAUNAY :

Deuxième feuille, verso (photo C). On dirait qu'ici, le dessinateur des armes précédentes s'est entraîné à en représenter quelques motifs, dont une herse et une rose :

Verso d'une deuxième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Troisième feuille, recto (photo D). Là, c'est l'apothéose, le dessinateur nous présente, en plus des précédentes, les armes des ancêtres des ascendantes. On trouve ainsi les BROON (famille du connétable du GUESCLIN) chez les ROGER de COLLIERES :

Recto d'une troisième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Troisième feuille, verso (photo E). On pourra se demander longtemps ce que fabrique ici un éléphant...

Verso d'une troisième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Quatrième feuille.jpg, recto (photo F). Enfin, l'interprétation par Saint Hélion des armes présentées par l'ange ci-dessus :

Verso d'une quatrième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Quatrième feuille, verso (photo G):

Verso d'une quatrième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Bien entendu, tous ces écus évoquent pour moi ceux qui étaient peints jadis sur la voûte de la chapelle de la Chaslerie, au-dessus des noms des "pièces rapportées". Ces dessins du fonds Durand de Saint-Front et ces écus de la chapelle ont de bonnes chances d'être contemporains. En tout cas, ils témoignent, les uns comme les autres, de la volonté tenace de la famille LEDIN de manifester l'ancienneté et la qualité de sa noblesse. C'est là un débat sur lequel on aura l'occasion de revenir. On le fera très bientôt, grâce notamment aux documents retrouvés aux archives départementales de l'Orne.
Je n'ai pas encore épuisé le sujet de l'écu des LEDIN que je passe déjà à la question suivante, qui lui est sous-jacente, celle de l'ancienneté de la noblesse de cette famille.

On sait que cette ancienneté a été contestée par des érudits qui, notamment depuis CAILLEBOTTE vers les années 1825 et suivantes, sont censés avoir étudié la question. Nulle part encore, je n'ai trouvé d'analyse critique sérieuse des productions intellectuelles de ces personnes et cela devrait, me semblerait-il en toute justice, atténuer la portée de leurs affirmations les plus péremptoires.

De mon côté, j'ai essayé de retrouver les documents authentiques sur lesquels ces soi-disant érudits ont prétendu s'appuyer. A ce stade, mes recherches ne font que commencer. Je ne suis pas encore allé ailleurs qu'aux archives départementales de l'Orne et j'ai déjà dit que je n'arrivais guère, en général, à déchiffrer seul les manuscrits antérieurs au XVIIème siècle. En outre, je suis rendu modeste dans mes recherches sur les LEDIN, comme dans celles de leurs successeurs qui furent aussi propriétaires de la Chaslerie, par le fait qu'avant le lancement de ce site internet, je n'avais jamais vu la photo d'un de mes deux grands-pères, ni celles de plusieurs de ses enfants, oncle ou tantes pour moi. Donc je mesure toute la difficulté qu'ont pu éprouver les LEDIN pour conserver des preuves indiscutables, qu'ils devaient régulièrement produire dans le cadre de l'"ancien régime", et qui portaient pour eux sur quatre siècles ou davantage encore.

C'est dire combien je serais reconnaissant à tous ceux qui voudraient s'exprimer sur ce sujet de ne pas hésiter à le faire, en s'appuyant le cas échéant sur l'un ou l'autre des très nombreux documents qui, depuis la saisie révolutionnaire du chartrier de la Chaslerie sans doute, semblent s'être évaporés dans la nature.

Mais, trêve de préalables méthodologiques, entrons dans notre sujet. Compte tenu des pièces que j'ai déjà pu consulter, je vous propose de commencer cette enquête par la lecture des preuves fournies en 1718, un document assez détaillé et qui a le gros avantage d'être aisément déchiffrable près de trois siècles plus tard. Pour faciliter votre compréhension de ce manuscrit, je vous propose de vous appuyer sur le document suivant, tiré du recueil de M. DELAUNAY et où j'ai encadré les noms des membres de la famille LEDIN dont il est question dans ces preuves :

La généalogie résumée des LEDIN.

Voici donc ce document remarquable, marqué en haut à gauche de sa première page du timbre du "Cabinet d'HOZIER", les généalogistes du Roi. Je vous prie de remarquer qu'ainsi officialisé, ce document ne comporte aucune mention manuscrite utile pour nous, critique ou autre, que celles portées par son rédacteur initial. Ce point est important. On y reviendra.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

A propos de l'écu des LEDIN, je vais vous conter une histoire authentique qui démontre qu'il peut même exister une vraie coopération entre les propriétaires successifs de la Chaslerie pour en favoriser la restauration et l'embellissement.

L'histoire commence en 1954. Jean DURAND de SAINT-FRONT écrivit au propriétaire à l'époque du manoir, Henri LEVEQUE, afin de lui signaler qu'une personne un peu timide avait des choses intéressantes à lui apprendre. Voici ce courrier :

Lettre du 16 novembre 1954 de Jean DURAND de SAINT-FRONT à Henri LEVEQUE.

Lettre du 16 novembre 1954 de Jean DURAND de SAINT-FRONT à Henri LEVEQUE.

"Beaucoup de patience et de diplomatie", c'est donc ce qu'il fallait, d'après Jean DURAND de SAINT-FRONT pour récupérer une de ces taques (c'est le nom exact de ces plaques de fonte).

Effectivement, Georges LEPAGE envoya quelques jours plus tard à Henri LEVEQUE la lettre suivante, à laquelle était joint le dessin remarquable d'une des taques en cause :

Lettre du 19 novembre 1954 de Georges LEPAGE à Henri LEVEQUE.

Lettre du 19 novembre 1954 de Georges LEPAGE à Henri LEVEQUE.

Lettre du 19 novembre 1954 de Georges LEPAGE à Henri LEVEQUE.

Dessin joint à la lettre du 19 novembre 1954 de Georges LEPAGE à Henri LEVEQUE.

J'ai trouvé les documents qui précèdent dans un dossier laissé en évidence par mon vendeur ou son épouse lorsque j'ai pris possession de la Chaslerie, un jour de juin 1991.

Bien évidemment, je n'ai pas tardé à me mettre en quête de l'une de ces taques, d'autant que, très rapidement, j'avais fait - je ne sais plus comment - la connaissance de Mme Yvette RIVARD, de Rânes. Le fait est qu'alors que j'avais été à l'initiative de la fondation en décembre 1991 de l'association des "Amis du manoir de la Chaslerie", le conseil d'administration de cette association nomma, dès mars 1992, Mme RIVARD "membre d'honneur de l'association (...) pour avoir aidé à repérer deux anciennes taques de la Chaslerie".

Je me souviens avoir vu celle du prêtre, représentée sur le dessin de Georges LEPAGE, dans le bourg de Rânes, chez un ancien pharmacien amateur de vieux vitraux ; celle-ci ne m'intéressait guère, en raison de l'inscription sans rapport avec la Chaslerie qui surchargeait la "fasce" de l'écu.

Quant à l'autre taque, elle se trouvait sous une grange, chez un agriculteur des environs de Rânes. Malheureusement, elle était fêlée. J'entrai immédiatement en négociation mais, très vite, la discussion achoppa car je trouvais le vendeur trop gourmand. Pour moi, l'affaire était close.

Mais, sans que je le sache, avec "beaucoup de patience et de diplomatie" comme on la connaît, Carole reprit langue avec cet agriculteur et, lors de la fête des pères suivante, elle put me faire la surprise de m'offrir ladite taque. Celle-ci trône donc désormais dans la grande cheminée du manoir :

2 décembre 2010, la taque aux armes des LEDIN.

Malheureusement, depuis 1992, sa fêlure s'est propagée sous l'effet de la chaleur des flammes et il serait grand temps de prendre un moulage de l'original pour n'exposer au feu de l'âtre qu'une copie. Si d'ailleurs un visiteur du site a des idées en la matière, ou des suggestions d'artisan à qui confier ce travail, elles sont les bienvenues.

L'histoire ne s'arrête pas là. Un point avait en effet échappé au vigilant Georges LEPAGE ; ni sa lettre, ni son dessin n'en portent trace.

Revenez donc sur la photo de la taque. Observez-la bien. En réalité, l'écu des LEDIN porte dans ses coins des protubérances bizarres. En outre, cet écu est un peu sous-dimensionné par rapport au support sur lequel il a donc été cloué selon moi. Il semble en effet que le fondeur de la taque ait disposé d'une matrice avec les deux lions, le heaume de chevalier, etc... et qu'il y ait cloué l'écu des LEDIN afin de constituer le moule utilisé pour y couler la fonte.

Mon interprétation vous semble peut-être tirée par les cheveux. Mais j'ai trouvé, figurez-vous, un argument que je pense imparable : au logis de Sainte-Marie-la-Robert, près de Carrouges, j'ai vu dans la cheminée principale de ce château antérieur à la Chaslerie une taque en tous points semblable à la mienne, à l'écu près.

Je pense qu'on peut conclure que, dès le XVIIIème siècle, le fondeur de Rânes avait industrialisé sa production pour orner les logis de ses clients, les chevaliers normands.

CQFD
J'ai trouvé aux archives départementales de l'Orne, dans le fonds "Durand de Saint-Front", un cahier de 96 pages bizarrement annoté.

En voici d'abord la couverture puis la première page du texte :

Couverture du cahier du "fonds Durand de Saint-Front".

Page 1 du cahier du "fonds Durand de Saint-Front".

Il s'agirait donc d'un inventaire préparé pour un LEDIN en 1760 des archives de sa famille. Mais il y a été ajouté que cet inventaire est passé entre les mains de CAILLEBOTTE qui y a porté des annotations. Cet ajout au crayon est donc postérieur à CAILLEBOTTE mais je n'en sais à ce stade pas plus sur le scripteur.

De CAILLEBOTTE, je sais que ce Domfrontais vivait dans la première moitié du XIXème siècle ; c'était peut-être un droguiste. Or j'ai également trouvé, aux archives de l'Orne et dans ce même "fonds Durand de Saint-Front", une note rédigée par "Me Ch. du PLESSIS" (sans doute un homme de loi de la famille du PLESSIS VAIDIERE dont j'ai rencontré des descendants chez leur cousine Marie-Françoise LAURENSOU) qui comporte des indications précieuses : le cahier en question contiendrait, en page 84, une note de ce CAILLEBOTTE indiquant que "plus de 200 titres de la famille LEDIN sont tombés entre ses mains, par suite d'une vente faite par l'administration en 1825" :

Note de Me Ch. du PLESSIS, trouvée dans le "fonds Durand de Saint-Front".

J'observe que cette note porte, dans son coin supérieur gauche, une mention manuscrite "Ledin", inscrite au crayon, de la même écriture que la mention au crayon sur le cahier de 96 pages (voir en particulier la façon de former la lettre "d").

Il est donc tentant d'imaginer que cette mention au crayon a été portée par Jean DURAND de SAINT-FRONT lui-même, ou l'un des éventuels collaborateurs de son entreprise de dispersion de manuscrits à l'œuvre de Paris au milieu du XXème siècle.

Or, si l'on se rapporte à la lettre de Jean DURAND de SAINT-FRONT à Henri LEVÊQUE mise en ligne par mon précédent message, il est clair que le premier est l'auteur des annotations au crayon sur le cahier de 96 pages (voir en particulier ses "d").

Voici qui est intéressant. Nous pouvons désormais faire le partage, dans le cahier de 96 pages en question, entre les annotations de CAILLEBOTTE et celles du commerçant en vieux papiers.

Ceci devrait nous permettre d'évaluer, en première analyse, la crédibilité à accorder à ceux qui, notamment depuis la dispersion révolutionnaire du chartrier de la Chaslerie, se sont piqués de porter des jugements prétendument définitifs sur l'ancienneté de la noblesse des LEDIN.

Je ne suis pas informé que cet effort critique ait eu lieu à ce jour. J'aurais plutôt l'impression que des érudits auto-proclamés ont fait faire boule de neige à des appréciations d'autant plus négatives que le temps passait depuis l'extinction de la lignée des LEDIN, de ce fait hors d'état de se défendre, ce qui était bien commode pour tous les esprits malveillants.

Voici qui me motiverait assez pour reprendre le flambeau !
Donc le marchand nous indique que CAILLEBOTTE a porté des mentions manuscrites en pages 5, 58 et 61 du cahier de 96 pages.

Voyons ces mentions, et d'abord la première :

Page 5 du cahier du "fonds Durand de Saint-Front".

Je lis ici que CAILLEBOTTE a réagi à l'orthographe LESDAIN figurant en bas de page. Il nous dit qu'une famille LEDIN est "native de La Haute Chapelle" et qu'elle a signé ainsi "beaucoup d'actes (...) depuis 1386 jusqu'à 1760". Autrement dit, CAILLEBOTTE ne conteste nullement que les LEDIN aient été actifs localement depuis le XIVème siècle. Dont acte !

Maintenant, la seconde :

Page 58 du cahier du "fonds Durand de Saint-Front".

Passionnant ! On dirait que le marchand allait bien vite en besogne...

Donc la troisième :

Page 61 du cahier du "fonds Durand de Saint-Front".

Hum, hum, il n'y a eu qu'un scripteur de cette page, tout ceci est-il vraiment sérieux ?

Là, je suis pris d'un doute : et si le scripteur du cahier de 96 pages était Jean DURAND de SAINT-FRONT lui-même ? J'observe les "d", ce sont bien les mêmes.

Donc la pièce la plus volumineuse du "fonds Durand de Saint-Front", ce fameux cahier de 96 pages, date lui-même du milieu du XXème siècle et il faudrait croire tout ce que nous raconte le marchand ? "Bizarre, comme c'est bizarre !" (air connu).

Même si la qualité scientifique du recensement opéré par Jean DURAND de SAINT-FRONT me paraît donc douteuse ("questionable", comme disent les Anglais), je vais cependant poursuivre l'étude de son cahier. Car un homme qui est capable d'une main à l'évidence très appliquée, d'écrire 96 pages intéressantes sur les LEDIN ne peut pas être fondamentalement mauvais. Prenons donc le temps de le lire en détail.
Dans le cahier de 96 pages de Jean DURAND de SAINT-FRONT, mon regard a été immédiatement attiré par le document suivant :

Page 69 du cahier de Jean DURAND de SAINT-FRONT.

Il s'agit, me semble-t-il, de la reproduction d'un dessin préparatoire à la sculpture d'une pierre commémorative du décès de Marguerite HEBERT, peut-être sa pierre tombale ; on reconnaît en effet les armes de la famille HEBERT, "d'azur à trois grenades d'or" ; on sait que Marguerite HEBERT épousa Jacques LEDIN en 1654. L'original doit dater d'un peu avant le remariage du veuf avec Anne-Marie de CAIGNOU, en 1673. Effectivement, le style du dessin est Louis XIV.

Il est dommage qu'aucun texte ne figure sur ce document, pas plus que les armes des deux personnes qui devaient le compléter. Peut-être s'agissait-il des écus des LEDIN et des HEBERT puisqu'on peut interpréter le dessin comme figurant deux rameaux unis par deux alliances ?
@ Marie-Françoise LAURENSOU :

Le document que vous venez de signaler indique que CAILLEBOTTE, celui qui nous intéresse ici, était un "bleu", c'est-à-dire un partisan de la Révolution.

Ne serait-il pas utile, pour la vérité historique, de nous demander si ces opinions politiques n'ont pas joué un rôle pour fausser l'image des LEDIN dans l'intérêt des acheteurs des "Biens Nationaux" issus de l'"Emigré Vassi", gendre du dernier LEDIN ? Il semble que cette analyse critique n'ait jamais été entreprise à ce jour, ce qui serait troublant, d'autant que CAILLEBOTTE eut de nombreux "suiveurs", apparemment.

A cet égard, je produis à toutes fins utiles les décomptes des règlements de la "retenüe" de la Chaslerie (c'est-à-dire du manoir) par les heureux bénéficiaires de cette procédure de circonstance :

Décompte des règlements par le Sieur GOUPUCEAU

Décompte des règlements par le Sieur GOUPIL

Notons que ces acheteurs s'appelaient GOUPUCEAU et Charles François Laurent GOUPIL.

Il pourrait être instructif d'examiner qui ont été les ayants-droit de ces personnages.

En outre, ce GOUPIL ne serait-il pas l'ancien fermier de la Chaslerie, cet homme dont nous avons déjà noté l'instruction et sous la garde duquel, officiellement, il ne restait plus guère de meubles au manoir lors de l'inventaire révolutionnaire ? Et ce même GOUPIL serait-il, par extraordinaire, lié au nabab nouveau riche qui fit construire à grands frais, au milieu du XIXème siècle, le château néo-Renaissance de Tessé-la-Madeleine ?
Une autre lecture intéressante : "Essai sur l'histoire et les antiquités de la ville et arrondissement de Domfront", par CAILLEBOTTE.

Voir en page 18, la note 1 en bas de page : "en reconnaissance des servises que Pierre Ledin de la Challerie avait rendus à Pierre comte d'Alençon,......lui permit de poser ses armes sur celles de la ville....."
Je viens de trouver l'acte de mariage suivant :

Le 3 août 1842, mariage de Louis Jean Baptiste GOUPIL, propriétaire, 27 ans, né à Tessé-la-Madeleine le 12 juillet 1815, fils de Louis GOUPIL, propriétaire, 68 ans, demeurant à Tessé, époux de dame Anne Marie Catherine GOUPIL, 51 ans, (en fait, il s'agit de sa nièce) avec Eugénie LéVESQUE, propriétaire, 21 ans, née à Domfront le 2 février 1821, fille d'Eugène Constant LEVESQUE, propriétaire, 60 ans, demeurant à Saint-Mars, époux de dame Sophie Adelaïde ROULLEAUX, 45 ans.

Cette Sophie nous conduit à la Chaslerie par son fils Charles.

La suite est intéressante.....

Le Château de Tessé et les GOUPIL :
Une famille de condition modeste, les GOUPIL, eut deux fils : Jean (1764) et Louis (1771).
Les GOUPIL disparurent puis réapparurent après la Révolution, fortune faite.
Ils purent s"acheter les parcelles de leur ancien maître, devenues biens nationaux.
Jean était propriétaire et rentier et son frère, Louis possédait une grande partie de Tessé-la-Madeleine.
Ce dernier épousa sa nièce, Anne Marie Catherine. Maintenant que l"on était riche, il fallait que la fortune reste dans la famille !
Ils eurent un fils en 1815 : Louis Jean Baptiste, qui a épousé Eugénie LéVESQUE en 1842. En 1829, les deux frères se firent construire le Logis.
Anne Marie Catherine et Louis GOUPIL décidèrent de se construire un château qui débutera en 1855 et se terminera en 1859, dirigé par l"architecte DAVID.
A la mort des GOUPIL, la fortune fut partagée entre les héritiers d"Eugénie Marie LéVESQUE, épouse de Louis Jean Baptiste GOUPIL.
@ Marie-Françoise LAURENSOU :

Je suppose que ce sont vos 5 ans de séjour londonien qui vous ont donné un tel sens de la litote. A moins que ce ne soient vos puissantes et vastes racines normandes !

Intéressante ? Vous voulez rire ? Le méridional que je demeure trouve tout à fait extraordianaire de trouver ainsi, petit à petit, grâce à ce site, la confirmation progressive de ses intuitions de départ.

"Bon sang mais c'est bien sûr..." On dirait que les pièces du puzzle commencent à se mettre en place...

Reste quand même à faire le lien avec Charles François Laurent GOUPIL. A cet égard, rappelons-nous que, dans son intéressant article paru dans "Le publicateur libre" du 10 janvier 1992 (dont on trouvera la copie dans un message, sous cet onglet, du 23 novembre dernier), M. Jacques BROCHARD nous avait appris, entre autres, que la date de 1819 avait un sens pour l'histoire de la Chaslerie.

Je me demande donc s'il ne faudrait pas tourner désormais nos regards vers les archives notariales...
Dans les dernières pages de son cahier (que j'ai appelé son "cahier de 96 pages"), Jean DURAND de SAINT-FRONT a retranscrit, au milieu du siècle dernier, le document dont j'ai mis la photo en ligne ici, dans mon premier message du 30 novembre dernier, et qui donne à voir, écus à l'appui, la généalogie des LEDIN.

Les deux pages correspondantes du cahier, où l'on retrouve l'écriture lisible et appliquée dont nous avons pris l'habitude (cf les "d"), sont beaucoup plus faciles à déchiffrer que l'original griffonné au XVIIIème siècle sur un papier fragile. Les voici :

Antépénultième page du cahier DURAND de SAINT-FRONT.

Avant-dernière page du cahier DURAND de SAINT-FRONT.

On voit ainsi que, depuis une cinquantaine d'années qu'il est manipulé, désormais aux archives de l'Orne, l'original du XVIIIème siècle a beaucoup souffert ; en particulier, le haut de la page, tout racorni, a tendance à tomber en poussière.

Sur la seconde page de sa retranscription, Jean DURAND de SAINT-FRONT a écrit "Légende", d'une main que j'imagine rageuse, d'autant qu'il a souligné en rouge cette apostrophe. Nous voici donc bien au coeur du sujet. La question est en effet de savoir quel crédit accorder aux prétentions des LEDIN de faire état d'une prouesse de l'un des leurs vers 1381. Ou, si l'on préfère, quel crédit accorder à ceux qui, nombreux depuis le XIXème siècle au moins, se sont attachés à tenter de rabaisser les LEDIN.

On a déjà vu que, sur un document à en-tête du "Cabinet d'HOZIER", les prétentions des LEDIN apparaissaient explicitement sans susciter la moindre réaction, négative ou autre, du généalogiste du Roi, ni sur ce sujet, ni sur aucun autre. Ceci paraît un point important du raisonnement. Car il me semble que l'existence d'un tel document, timbré et non annoté, pourrait conduire à relativiser la portée des annotations attribuées à tort ou à raison, sur un autre document, à l'un ou l'autre membre de la famille d'HOZIER.

De même, on a commencé à s'interroger sur le caractère scientifique (ou, si l'on préfère, la neutralité) de CAILLEBOTTE et de ses "suiveurs". On a d'ailleurs remarqué, grâce à Marie-Françoise LAURENSOU, que CAILLEBOTTE lui-même, faisait état des événements de la fin du XIVème siècle sans remarque négative de sa part à ce sujet pour les LEDIN.

Donc la question est posée. Nous allons essayer, à défaut d'y répondre définitivement, de faire progresser la réflexion sur la base des documents encore consultables et dont je tâcherai, dans la mesure du possible, de mettre la photo en ligne.

Accessoirement, je reviens sur "Me Ch. du PLESSIS", celui qui nous a appris quand et comment CAILLEBOTTE s'était procuré tout ou partie du chartrier de la Chaslerie. Sur la dernière page du cahier de Jean DURAND de SAINT-FRONT est en effet collé le document original suivant, sur lequel je suis sûr de reconnaître l'écriture de ce "Me Ch. du PLESSIS" (voir les "P" et les "F") :

Dernière page du cahier DURAND de SAINT-FRONT.

Quand ce "Me Ch. du PLESSIS" a-t-il vécu, est-ce plutôt à l'époque de CAILLEBOTTE (comme sa graphie me le donnerait à penser) ou plutôt à celle de Jean DURAND de SAINT-FRONT ? Et pourquoi Jean DURAND de SAINT-FRONT a-t-il fait un sort particulier à l'original de ce dessin, en le collant dans son cahier, alors que toutes les autres pages y sont de sa propre main ? Ce "Me Ch. du PLESSIS" faisait-il donc autorité, en matière de généalogie ou d'héraldique, pour Jean DURAND de SAINT-FRONT ?
La tâche de représentant du peuple est harassante et suppose, c'est bien connu, un vrai dévouement et une réelle abnégation au service du bien public :

Henri LEVEQUE en plein travail de représentation du peuple souverain.

Pour être élu aux plus hautes fonctions et devenir une "grande figure du Domfrontais" (pour reprendre la si heureuse expression de M. Jacques BROCHARD), il faut le mériter et, en particulier, se battre pour ses idées, savoir défendre de vraies valeurs, faire preuve d'un réel talent de visionnaire pour préparer un avenir meilleur :

Ca, c'est un beau programme !

Parfois, certains électeurs ont le front d'attaquer l'élu dans ses convictions les plus intimes, qui forment la base de sa légitimité démocratique. Gabriel HUBERT était peut-être quelquefois de ceux-ci, comme tend à le montrer le "post scriptum" du courrier suivant :

D'autres fois, les mêmes électeurs se mettent au service de l'élu pour faire avancer de grandes causes, comme la mise au point de l'"histoire" des anciens propriétaires d'un monument vendu naguère comme "Bien National" :

Mais qui était donc ce Gabriel HUBERT qui se piquait ainsi d'histoire locale ? Google nous apprend qu'il produisit, au milieu du siècle dernier, nombre d'études généalogiques sur d'anciennes familles nobles du Domfrontais.

Or, quelle était la valeur de ces études ? Pour nous en faire une idée, lisons donc avec soin les écrits qu'il a laissés à propos des LEDIN, tels que désormais déposés aux archives départementales de l'Orne, dans une chemise à son nom :

Page 1 de la note conservée aux archives départementales de l'Orne parmi les papiers reçus de Gabriel HUBERT.

Page 2 de la note conservée aux archives départementales de l'Orne parmi les papiers reçus de Gabriel HUBERT.

Page 3 de la note conservée aux archives départementales de l'Orne parmi les papiers reçus de Gabriel HUBERT.

Page 4 de la note conservée aux archives départementales de l'Orne parmi les papiers reçus de Gabriel HUBERT.

Page 5 de la note conservée aux archives départementales de l'Orne parmi les papiers reçus de Gabriel HUBERT.

Page 6 de la note conservée aux archives départementales de l'Orne parmi les papiers reçus de Gabriel HUBERT.

Il y a donc là six pages, qui ne sont d'ailleurs pas de la même écriture que les manuscrits de Gabriel HUBERT.

La fin de ce texte est hélas absente, mais l'on en comprend fort bien la conclusion et la méthode.

La conclusion est simple, les doutes les plus clairs sont exprimés sur la réalité de la noblesse de Guillaume LEDIN. La méthode est ouvertement approximative puisque l'auteur de ce document avoue très simplement : "Tout ceci n'est que conjecture de ma part et la traduction d'une opinion purement personnelle, et privée." (milieu de la page 4) ou encore : "Je n'ai pas fait d'études qui me permettent d'étudier ces pièces et de porter un jugement ; cependant" etc...(page 5). Cette modestie intellectuelle auto-proclamée n'a pourtant pas empêché cet auteur de traiter plusieurs fois Pierre-François LEDIN de faussaire : il "fit fabriquer une généalogie illustre ; je doute fort que ce ne fut en fabriquant de faux papiers" (page 3) ; il "fit fabriquer de fausses pierres tombales et un faux tombeau" (page 4). Je pourrais continuer.

Mon opinion pour conclure : on a affaire là à un auteur qui manie parfaitement l'imparfait du subjonctif (page 3) et qui appartient certainement à la parentèle de Jean DURAND de SAINT-FRONT (voir le 1er paragraphe de la page 1 : "mes ascendants sur la ligne de St-Front").

Mais moi, Pierre-Paul FOURCADE, qui ne suis guère que sur la ligne Paris-Granville (arrêt à Flers), je me demande si cet auteur n'était pas, tout simplement, un cousin jaloux des LEDIN (puisque les DURAND de SAINT-FRONT étaient apparentés aux COUPPEL, dixit Jacques COUPPEL du LUDE), voire, pour dire les choses encore plus clairement, quelqu'un que menaçait le gâtisme de l'âge, ainsi qu'on en rencontre parfois, y compris dans les meilleures familles.