Message #1724

Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Jeudi 11 Novembre 2010
Désultoirement vôtre !
Remembrement (3/9) :

Reprenons, tous en choeur et toujours dans la bonne humeur car cela vaut mieux, l'histoire du dernier remembrement de La Haute Chapelle.

Nous nous êtions interrompus alors que Maître Bernard GOUBEAUX, notaire à Domfront, m'assurait qu'une parole donnée devant lui suffisait à sceller un accord avec ma voisine, Jeannette LEVEQUE. A l'époque, je travaillais à la bourse, un secteur où la parole engage ("My word is my bond !", comme on l'y dit) et où l'on respectait les officiers ministériels comme les agents de change (et j'en étais alors un, en quelque sorte, puisque je présidais une société de bourse).

Me replongeant dans mon dossier (qui, et j'ai dû le signaler, a été parfaitement tenu et documenté), je retrouve les termes exacts de l'accord en question dans mon courrier du 22 août 1991 au géomètre :

"S'agissant de l'avant-projet de remembrement, Madame Lévêque et moi-même sommes tombés verbalement d'accord, le 7 août dernier, en présence de son notaire (Me GOUBEAUX, de Lonlay-l'Abbaye) pour procéder, dans le cadre du remembrement, à un échange de terrains. Les termes de cet accord sont les suivants :
- afin de me permettre de restaurer l'allée historique selon les plans de M. GAUTIER, Architecte des Bâtiments de France, Mme Lévêque accepte de m'abandonner, sur toute la longueur de la parcelle 214, une bande de terrain dont la limite serait à 10 m à l'Ouest du centre de l'allée actuelle. (La parcelle 28 actuelle ayant 8 m de large, il est probable - mais cela doit être vérifié - que cette bande aurait 6 m de largeur, ce qui représente sur une longueur d'environ 500 m, une surface de 30 ares) ;
- pour compenser cette surface, j'abandonnerai sur la parcelle 273 actuelle, une surface égale (...). Ainsi, on se partagerait la parcelle 173 actuelle en partant de la pointe de la parcelle 216, en suivant une rigole que je fais creuser dans la direction Ouest-Est, et en prélevant le long de cette rigole, la longueur nécessaire pour arriver à la surface requise."

Tout était donc parfaitement clair et facile à mettre en oeuvre. J'étais alors propriétaire de la Chaslerie depuis 2 mois à peine, le terrassier était sur place en train de curer les douves. D'un coup de pelleteuse supplémentaire, il creusa à ma demande la "rigole" (on dit plutôt "fossé" par ici) convenue. Voici le nouveau talus contigu à ce nouveau fossé :

Le talus à travers la parcelle 173.

L'enquête publique fut lancée le 11 mars 1992, ainsi que le prévoient les textes.

Or, le 5 mai 1992, je fus informé à la mairie de La Haute Chapelle que "Mme LEVEQUE et M. LEMARCHANDEL, son fermier, sont venus ensemble à l'enquête s'enquérir de l'allée. Elle veut absolument garder l'allée pour l'abri des bêtes".

Dès le lendemain, j'écrivis à Roger GRIPPON, l'agriculteur nouvellement élu maire de La Haute Chapelle, pour lui rappeler l'existence de l'accord du 7 août précédent et lui communiquer copie de mon courrier détaillé au géomètre, celui, cité plus haut, qui faisait état de la présence de Me GOUBEAUX, ainsi en position de confirmer mes dires si nécessaire.

Dans les jours qui suivirent, je fus retenu à Paris par ma vie professionnelle, alors à un tournant puisque la prospère société de bourse que je présidais venait d'être vendue à un concurrent direct par notre actionnaire commun, que sa brillante gestion obligeait à extérioriser au plus vite des plus-values latentes (je parlerai ici un jour, éventuellement, de M. Antoine JEANCOURT-GALIGNANI, alors président de la Banque Indosuez mais que j'ai retrouvé par la suite, dans d'autres circonstances non moins remarquables...). J'avais donc, au printemps 1992, de tout autres soucis que de me rapprocher du fermier de ma voisine, petit homme maigrelet et bourré de tics que j'avais juste aperçu au loin, au cul de ses vaches. Il m'échappa donc que, le 13 mai 1992, Mme LEVEQUE et M. LARSONNEUR, son fils que je ne connaissais pas encore, signèrent dans le registre de l'enquête publique la déclaration suivante : "demande que la haie à l'Est de ZT 14 (longeant l'allée à l'Ouest) soit conservée en l'état d'un bout à l'autre. De plus Mme Lévêque réfute tout accord avec M. Fourcade."

Le 25 mai 1992, la Commission Communale d'Aménagement Foncier réunie à mairie de La Haute Chapelle pour arrêter son projet de remembrement a, d'après les témoignages que j'ai ensuite recueillis, considéré que, dans le doute où elle s'était trouvé pour savoir qui, de Mme LEVEQUE et de moi, avait déformé la vérité, il y avait lieu de maintenir le statu-quo entre les parcelles de Mme LEVEQUE et les miennes.

Le 2 juin 1992, j'envoyai donc une lettre recommandée à Me GOUBEAUX où j'écrivais : "D'après mes sources concordantes, l'absence de témoignage écrit de votre part a objectivement joué très clairement contre moi. (...) Je fais donc appel aujourd'hui à vous, tant comme officier ministériel que comme homme d'honneur, afin que vous vouliez bien me communiquer, en vue de sa transmission à la Commission Départementale (que j'avais annoncé vouloir saisir), votre témoignage écrit sur la scène dont vous avez été le témoin, le 7 août dernier, à la Chaslerie, entre Madame LEVEQUE et moi."

Signature de Me GOUBEAUX sur l'accusé de réception de ma L.R.A.R. du 2 juin 1992.

Ainsi interpellé, "tant comme officier ministériel que comme homme d'honneur", Me Bernard GOUBEAUX allait-il fournir enfin ce témoignage ?

Nous marquons ici une pause de 30 seconde de publicité.

Que vaut donc la parole de Me GOUBEAUX, officier ministériel quelque part dans le bocage bas-normand ? La question est simple, le suspense est intense, je sens le public frémir, j'observe des mouvements divers dans la foule attentive...

(A suivre, si vous le voulez bien ! Et si le temps vous semble long, vous pourrez toujours chanter à mon intention !)

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