Désultoirement vôtre !

Inventaires révolutionnaires de la Chaslerie (1/2) :

En rangeant de vieux papiers, je retrouve des documents relatifs à la Chaslerie à l'époque de la Révolution.

Le premier indique les fermes de La Haute Chapelle qui étaient alors la propriété du dernier seigneur de la Chaslerie, Louis-Marie de VASSY, alors émigré :

Les terres à La Haute Chapelle du dernier seigneur de la Chaslerie avant la Révolution.

Le deuxième donne les noms, alors, des différentes pièces de terres dans les parages immédiats de la Chaslerie :

Les noms, juste avant la Révolution, des parcelles les plus proches de la Chaslerie.

C'est moi qui, aux archives départementales de l'Orne, ai recopié ces noms sur la copie dont je disposais du plan dit "cadastral napoléonien" (copie d'ailleurs inexacte comme je l'ai découvert le 25 novembre 2010, ainsi que relaté, sous cet onglet des "Sujets divers", dans un message du lendemain). Mon écriture est hélas peu lisible, même pour moi. Je déchiffre cependant, du Nord au Sud, les noms de parcelles suivants : le pré de l'herbage, le huteriau (lande), le huteriau (labour), le grand champ, le petit champ, la retenue, la pépinière, la saussaie (taillis), le ratouet, le jardin, le plant (pâture), la basse cour, le jardin du logis, la palissade, le canard (pré), la longe (pré), le champ de la pierre, le bout du pré (pâture), la barre (jardin), la barre (terre), le petit pré, le pré, la petite lande (lande), l'allée, le bois de la vallée (labour), le bois de la vallée (lande), la lande de l'allée (lande), le bignon (labour), la petite halousière (labour). Il faudrait cependant que je me renseigne sur le sens de certaines de ces appellations.

Les troisièmes sont les inventaires proprement dits des terres jouxtant le manoir, dressés en 1793 (les 26 et 28 prairial de l'an deuxième de la République Française). Ces documents ont été retranscrits, également aux archives départementales de l'Orne (où ils sont conservés sous la cote 1 Q 1020, liasse 42), en 1997 par Patrick DELAUNAY, alors président de l'"Association des amis du manoir de la Chaslerie". La "retenue de la Chaslerie" devait en effet être vendue comme bien national, et l'on dispose ainsi d'un recensement des principaux arbres de ces parcelles et des servitudes qui grevaient alors celles-ci :

L'inventaire révolutionnaire de la retenue de la Chaslerie en 1793.

L'inventaire révolutionnaire de la retenue de la Chaslerie en 1793.

L'inventaire révolutionnaire de la retenue de la Chaslerie en 1793.

Je relève là nombre d'informations dont plusieurs inédites :
- une description du logis ("Premièrement la maison manable") démontrant que le grand salon et la pièce au-dessus étaient chacun divisés en deux ;
- l'indication que le bâtiment Nord existait déjà (ce qui, soit dit en passant, semble contredire la copie par Nicolas GAUTIER du plan cadastral napoléonien, telle que mise en ligne, sous l'onglet "Journal du chantier" le 30 octobre dernier), avec des caves au rez-de-chaussée et des greniers au-dessus ;
- l'affirmation que le bassin monolithique au centre de la cour était alimenté en eau par des tuyaux le reliant à une source du Tertre Linot ;
- le fait que l'allée principale du manoir était qualifiée d'avenue et comportait "deux rangs d'arbre au couchant" sans que rien ne soit précisé pour le levant ;
- l'information que des bouleaux, des sapins et des sycomores étaient plantés à proximité du manoir ; que de nombreux arbres fruitiers avaient été plantés du côté de la ferme ainsi qu'à l'Est du manoir ; que de nombreux arbres adultes étaient présents aux alentours du manoir, 45 chênes, 6 hêtres et un orme ;
- la description de la ferme comportant la demeure du fermier, alors dénommé SELLIER, et, à son extrêmité (sans doute au Nord), une cave avec un "toît à porc et grenier dessus", ainsi que des trois dépendances de la ferme, à savoir deux granges (aujourd'hui disparues mais dont on conserve la photo, cf la "photothèque" du site) et le fournil dont les maçonneries ont été restaurées en 2010 ;
- la certitude qu'il y avait alors un ancien étang à l'Est du manoir, ce dont je me doutais en raison de la topographie et de la présence de nombreux ajoncs, sans en avoir encore trouvé la preuve.
Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Mardi 23 Novembre 2010
Désultoirement vôtre ! - Généalogie et sagas familiales
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@ Jacques BROCHARD :

Monsieur,

Dans un article paru dans le numéro du 10 janvier 1992 du "Publicateur libre", vous vous étiez ému de la publication par ce journal d'un extrait du "manuscrit GRAVELLE" (pour les références exactes de ce document, voir les "Repères bibliographiques" de ce site). Vous aviez cru y déceler, m'avait-il été rapporté, la preuve de ce que vous aviez qualifié de "jugements de valeur peut-être trop hâtifs ou trop péremptoires" que vous m'auriez attribués, craignant, écriviez-vous, "qu'ils n'occultent (...) l'objectivité qu'il sied d'adopter au sujet de la restauration de ce splendide manoir".

C'était, on l'a compris, de la Chaslerie que vous parliez avec une piété familiale envers "Henri Levêque, cette grande figure du Domfrontais" qui vous honore assurément.

Voici le texte de votre article, qui n'avait pas manqué de retenir mon attention à l'époque et auquel je suis heureux de donner aujourd'hui la suite qu'il paraissait mériter :

Article de M. BROCHARD dans le numéro du 10 janvier 1992 du 'Publicateur libre'.

Bien entendu, je partage totalement votre souci d'objectivité.

Or, comme je l'ai déjà annoncé ici, je me propose de mettre en ligne, entre Noël et le jour de l'an prochains, afin de marquer les 20 ans de ma découverte de la Chaslerie, un ensemble de photographies que je commenterai sur l'état de ce manoir que vous avez la bonté de qualifier de splendide, tel qu'il était alors et tel qu'il est devenu aujourd'hui.

C'est pourquoi je vous invite bien volontiers à intervenir pour compléter l'information des visiteurs de ce site, au cas où, par extraordinaire, vous estimeriez que ma présentation demeure, pour reprendre vos termes, trop hâtive ou trop péremptoire. Si vous le souhaitiez, nous pourrions même coopérer pour mettre au point cet article avant qu'il ne soit diffusé à des tiers.

Plus généralement, je vous indique que je ne verrais que des avantages à me rapprocher de membres de votre famille qui détiendraient encore des documents anciens sur la Chaslerie. Ces documents, dont trop peu sont disponibles, sont toujours utiles, ne serait-ce que pour ne pas commettre d'erreur dans les travaux encore à venir.

En fait, mes relations avec votre famille se sont, à ce jour, et je le regrette, bornées à entretenir à mes frais les tombes de vos parents, tombes que, d'ailleurs, je serai toujours heureux de vous montrer afin que vous puissiez constater tout le soin que j'en prends.

Je vous assure de ma considération distinguée.

Pierre-Paul FOURCADE

Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Mardi 23 Novembre 2010
Désultoirement vôtre !
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On ne devrait pas classer les vieux papiers...

C'est pourtant ce que je suis en train de faire, et cela fait remonter à la surface quelques souvenirs mémorables sur la qualité de l'accueil local, après notre achat du manoir.

En 1992, année fertile en manifestations de sympathie à notre égard, comme on l'a déjà compris, Carole reçut, en mon absence, la visite de deux garde-pêches assermentés venus dresser procès-verbal en vue d'une plainte pénale. Ils agissaient après dénonciation anonyme, comme de bien entendu.

Voici le courrier que j'adressai aux membres du bureau de l'"association des amis du manoir de la Chaslerie", pour leur relater l'incident :

Lettre du 9 mars 1992 aux membres du bureau de l'association.

Lettre du 9 mars 1992 aux membres du bureau de l'association.

Je fus même convoqué à mon tour au commissariat de police de mon quartier à Paris. J'apportai de nouveaux arguments :

Lettre du 2 juin 1992 au commissariat de police du quartier de La Muette à Paris.

Finalement, le procureur de la République classa l'affaire, comme de bien entendu !

Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Jeudi 25 Novembre 2010
Désultoirement vôtre ! - Archives, histoire, documentation - Références culturelles
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J'ai passé une bonne partie de l'après-midi aux archives départementales de l'Orne. La moisson a été bonne. En particulier, j'ai pu photographier tous les inventaires révolutionnaires relatifs aux biens de l'"émigré Vassi".

Mais il va me falloir un peu de temps avant de mettre en ligne divers de ces documents.

Pour vous permettre de patienter, je vous propose un nouvel intermède de danse, celui-ci à inspiration météorologique car, pour la première fois de l'année, il a neigé aujourd'hui sur la Chaslerie.

Lors de ma visite, hier, aux archives départementales de l'Orne, j'ai pu discuter avec M. Jean-Claude MARTIN, qui y est chef de service, et nous avons évoqué la possibilité qu'un étudiant de Caen consacre une année d'études à trier les documents relatifs aux LEDIN dans ses dépôts où ils demeurent souvent inexploités.

J'ai pu "capter" sur écran et faire imprimer des extraits du document que l'on appelle abusivement "cadastre napoléonien" car il date en fait de 1824.

Voici d'abord une vue d'ensemble de la partie de la "section A de la Renaudière" où figure la Chaslerie :

Extrait du "cadastre napoléonien" de 1824.

Ce premier extrait nous apporte les informations suivantes, relatives à la Chaslerie en 1824 :

- la douve franchissait alors ce que j'appelle "l'allée principale" (et que les inventaires révolutionnaires qualifient plus justement d'"avenue" ; dorénavant, je parlerai donc, moi aussi, d'avenue) ; cette avenue tournait au bout d'environ 500 mètres vers le Tertre Linot et le bourg de La Haute Chapelle, comme c'est toujours le cas aujourd'hui ;

- au fond de la cour du manoir, le bâtiment Nord se trouvait déjà à l'emplacement que nous lui connaissons ; ceci corrobore l'idée qu'il aurait été édifié ou réédifié en 1815, ainsi qu'un visiteur du site, spécialiste de cadrans solaires, nous l'a appris ici le 3 octobre dernier ;

- le canal d'alimentation des douves suivait le parcours que j'ai rétabli en 1991, notamment au niveau de l'arrivée dans les douves ; en revanche, le canal de sortie partait de plus à l'Ouest qu'actuellement (ceci témoigne du caractère relativement récent du bief aval actuel ; le fait est que la maçonnerie est d'un tout autre appareil que le mur d'escarpe, manifestement beaucoup plus ancien) ; il n'y avait pas de canal vers le Nord, parallèle au Beaudouët, contrairement à ce qu'a retranscrit Nicolas GAUTIER il y a une bonne quinzaine d'années (voir mon message du 30 octobre dernier sous l'onglet "Journal du chantier" ; je me demande donc où Nicolas avait trouvé le plan qu'il avait alors copié, à moins qu'il n'y ait eu erreur de sa part, ce qui paraîtrait surprenant ; il y a un mystère pour moi là-dessous...) ;

- dans l'arrière-cour, il y avait deux petites constructions accolées au mur qui va du manoir au fournil ; or, je me suis toujours demandé d'où venaient les deux niches rectangulaires que l'on aperçoit du côté Est de ce mur : ce sont très certainement les traces de fenêtres de ces petits bâtiments ;

- sur la cave, un appentis était accolé côté Nord-Est ; le fait est qu'il en reste la cicatrice, un désordre dans la maçonnerie à l'angle Nord-Est de la cave ; je m'étais toujours demandé la raison de ce désordre ; elle est donc trouvée ; comme je n'avais pas su interpréter cette bizarreté, j'ai fait restaurer, il y a une quinzaine d'années, l'appentis de la cave côté Ouest ; je souhaitais en effet qu'il ne soit pas visible de l'avant-cour ; en outre, je voulais percer deux petites ouvertures sur le pignon Est de ce bâtiment, ce qui fut fait ;

- du côté de la ferme, on aperçoit bien le fournil ; en revanche, on lit que l'extension Sud n'avait pas du tout la forme que nous lui connaissons aujourd'hui ; ce n'était pas davantage un prolongement de la longère ; à l'arrière de la longère, côté Ouest, il y avait un appentis ; c'est là que mes prédécesseurs avaient édifié l'affreux garage en parpaings et schingle que j'ai évidemment fait raser ;

- en ce qui concerne les dépendances en colombages, on ne voit sur ce plan trace ni d'un édicule dans l'avant-cour (la forge ?), ni de la porcherie dans l'arrière-cour (que j'ai fait démonter peu après 1991, tant elle était en mauvais état), ni de diverses granges autour de la ferme, dont témoignent le plan cadastral en vigueur vers 1950 et de vieilles photos ; en revanche, la grange à l'Ouest du manoir était déjà là (j'ai dû la faire démonter dès 1991, elle aussi était en trop mauvais état pour être restaurée directement).

Sur ce même plan (les extraits suivants ne sont pas à la même échelle que le précédent, ceci par les mystères de la technique...), je relève également que :

- à la Renaudière, il y avait des douves, une sorte de Pournouët bis ; il faudra que j'aille me promener par là-bas pour voir ce qu'il en reste désormais :

La Renaudière en 1824.


- à la Foucherie, il y avait également, semble-t-il, en 1824, des traces de pièce d'eau ; il faudra que je retourne voir les frères BAGLIN pour tâcher de retrouver l'emplacement de cette pièce d'eau ; à la Foucherie aussi, on voit que l'un des bâtiments présents en 1824 était une grange que j'ai fait démonter, il y a une douzaine d'années, pour en récupérer les pierres :

La Foucherie en 1824.


- à la Thierrière (la maison de la mère de Maxime), le bâtiment le plus important était en 1824 la grange que j'ai aussi fait démonter, celui-ci l'an dernier, pour en récupérer les pierres et quelques bois de charpente :

4 janvier 2009, la grange dont la mère de Maxime m'a vendu les pierres et la charpente.

4 janvier 2009, la grange de la Thierrière en cours de démontage.

Pour terminer ce message, je voudrais donner une bonne nouvelle à tous ceux qui s'intéressent aux vieux papiers sur La Haute Chapelle : les photos de plans qui illustrent ce message sont de mauvaise qualité, c'est moi qui les ai prises hier ; elles sont en outre limitées dans leur champ ; or, le plan de 1824 devrait être directement accessible en ligne, dans son intégralité, d'ici un mois environ. C'est en tout cas ce qu'on m'a dit hier à Alençon.
Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Samedi 27 Novembre 2010
Désultoirement vôtre !
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Je vais donc répondre à cette personne qui, hier, dans le confort de l'anonymat, m'a apostrophé par courriel pour s'insurger (ou feindre de s'insurger) contre mes achats de vieilles pierres autour de la Chaslerie. Même si mes arguments me paraissent évidents, je sais que "Si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant". Donc, je vais m'efforcer d'être pédagogue.

1 - Il faut partir du constat qu'à la Chaslerie, les constructions de pierres, ici le grès, ont traditionnellement été montées à l'argile. Cela leur conférait une certaine fragilité, notamment pour celles qui n'étaient pas (ou plus) abritées sous une couverture.

C'est sans doute pour cela que tous les murs qui entouraient la Chaslerie ont beaucoup souffert des outrages du temps. Je peux citer en exemples le mur de terrasse, le mur de la chapelle au manoir (dans l'avant-cour), le mur du manoir au fournil (dans l'arrière-cour), le mur d'escarpe des douves.

De même, à la charretterie (et ancien pressoir), c'est sans doute à la suite d'une tempête qu'une partie de ce bâtiment a été découverte, entraînant les mêmes effets au bout de quelques années.

2 - Il y a lieu également de faire état de l'incurie manifeste dont a longtemps souffert la Chaslerie, de la part de certains de ses propriétaires depuis qu'à la Révolution, elle a été vendue comme "Bien National". Si la charpente et la couverture de la tour Louis XIII se sont écroulées, ce n'est certainement pas par hasard.

Et je n'évoque pas l'incendie du logis en 1884 ni la dégradation des peintures murales de la chapelle, dûs à l'entreposage de fagots dans ces bâtiments ô combien maltraités.

3 - De fait, la Chaslerie a longtemps été occupée par des fermiers qui ne devaient briller ni par leur culture, ni par leur sensibilité aux choses du patrimoine. On peut penser que leurs vues se bornaient rapidement aux contraintes pratiques de leur exploitation. On aimerait qu'avec les progrès de l'éducation, les choses aient changé, mais ceci est une autre histoire.

Il était donc tentant pour ces énergumènes de récupérer des pierres tombées de murs à leurs yeux inutiles pour rempierrer leurs chemins.

Dans le même ordre d'idées, le fermier qui exploitait la Chaslerie jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire au début des années 1990, celui qui avait transformé la chapelle en corral pour ses veaux, ne voyait aucun mal à faire s'écrouler un coin du fournil du manoir en y tapant avec son tracteur.

4 - Devant le désastre résultant de ces longues incuries et de ces moeurs barbares, j'ai pris le parti, à tout le moins original sinon inattendu, dès mon achat du manoir en 1991, de mettre l'accent sur la restauration de toutes ces constructions très fatiguées plutôt que sur le confort intérieur des bâtiments.

Vingt ans après, je n'en ai pas encore fini et il me reste encore à sauver la ferme, le mur d'escarpe des douves et leurs biefs. Et je ne parle pas des dépendances en colombage que j'ai trouvées vermoulues et inrestaurables sans un démontage complet.

5 - Donc, pour tous ces travaux, il me fallait des cailloux pour remplacer tous ceux disparus. Et je parle ici de centaines de mètres cubes de pierres d'une qualité très particulière.

Il me fallait en effet des grès qui ne jurent en rien avec les pierres authentiques de la Chaslerie, ce qui n'est pas facile à trouver tant le filon en est étroit comme j'ai commencé à l'expliquer sous cet onglet, dans mes premiers messages d'ordre géologique.

En réalité, ce filon court entre l'Est et l'Ouest, sur quelques dizaines de mètres de large, parallèlement à l'axe de ce que les spécialistes appellent le "synclinal de Domfront-Mortain". On y reviendra.

6 - La première idée que j'ai eue a consisté, bien entendu, à rechercher ces pierres dans les carrières en exploitation dans le secteur.

Or il faut savoir qu'il n'existe plus aucune carrière de pierres dans la région. Toutes ont été progressivement achetées par un même individu, résidant à Caen, qui les a transformées en gravières. Il fait donc concasser ces pierres en brûlant des quantités industrielles de fuel. Et lorsque les cours du fuel montent trop selon lui, il ferme ces gravières l'une après l'autre.

7 - J'ai donc cherché et retrouvé les deux carrières proches de quelques centaines de mètres de la Chaslerie, dont ont été extraites ses pierres voici quelques centaines d'années.

L'une est située sur un terrain qui m'appartient. Je l'ai donc rouverte. Les pierres que j'en ai fait extraire ont servi à daller le haut du mur de terrasse, lorsque nous en avons achevé la restauration. Hélas, celles que nous avons trouvées, qui ont la bonne couleur, sont désormais friables.

Il faudrait sans doute que je recherche des pierres plus profondes. Mais il y a, en surplomb du filon, une grange de bois qui me sert encore à abriter des bûches, bien qu'elle soit très fatiguée. Je n'ai pas encore décidé de l'abattre.

8 - C'est au terme des ces constats que je me suis mis en quête de vieux bâtiments en ruine dans les parages. Ce n'est pas ce qui manque en cette époque où les maisons sont devenues des biens de consommation, vite construites en parpaings avec charpente en sapin (sapin traité, "of course"), recouvertes d'enduits hydrofugés et de tuiles industrielles de couleurs disparates. Pour faire place à ces trucs, des allées magnifiques d'arbres centenaires ont été abattues, comme au lotissement de La Haute Chapelle.

Et c'est ainsi qu'alors qu'à Passais-la-Conception ou à Domfront, il y a plein de vieilles et belles maisons en pierres inoccupées, alors que les industries locales ferment les unes à la suite des autres sans être remplacées assez vite pour maintenir la vie économique, une politique inexorable de bourgeonnement incessant des lotissements communaux est poursuivie. Au départ, il s'agissait, était-il prétendu, d'amener les autorités à rouvrir des écoles communales. Vingt ans après, l'aspect de certains bourgs a été bouleversé mais il n'y a toujours pas d'école communale supplémentaire. On expliquera peut-être que les progrès de l'intercommunalité ont favorisé l'essor du ramassage scolaire.

9 - Nombre de propriétaires de vieilles pierres répugnent à vendre celles-ci à un particulier de mon genre.

Ainsi, le propriétaire d'un manoir emblématique et classé prétend s'abriter derrière des injonctions des fonctionnaires des affaires culturelles pour ne pas céder la belle grange que, depuis que je la connais, il laisse se gâter lamentablement sous son nez.

Ou encore, une conseillère municipale me dit qu'elle a l'usage des pierres que son mari a démontées. Mais, chaque fois que je passe devant le tas en question, je m'aperçois que son volume ne réduit pas.

D'autres me répondent qu'ils vont réfléchir à mes propositions. Mais je n'en entends plus parler et, là aussi, je vois les tas stagner.

10 - Je suis donc très reconnaissant à ceux de mes voisins qui, constatant que certaines de leurs dépendances couraient à la ruine et non désireux ou incapables d'y remédier, ont accepté mes offres et m'ont permis d'avancer dans mes propres travaux.

A ce titre, ceux-ci ont bien agi et je les en remercie. Puissent-ils faire école !

Voyons en quoi a consisté ma récolte aux archives départementales de l'Orne, en plus du plan cadastral de 1824 que j'ai déjà commenté hier matin.

J'ai trouvé les documents archivés sous la cote 1Q 1020 liasse 42, c'est-à-dire les inventaires des biens immeubles (documents dont je fournis ici la photo des premières pages) :

- de la "retenüe de la Châlerie", "provenant de l'Emigré Vassy bressé", en 6 pages :

Inventaire révolutionnaire de la "retenüe de la Châlerie".

- de la "ferme de la Châllerie", en 6 pages :

Inventaire révolutionnaire de la "ferme de la Châllerie".

- de la "prairie de la Châlerie", de "l'Emigré Vassi", en 6 pages :

Inventaire révolutionnaire de la "prairie de la Châlerie".

- de la "ferme de la Tierrière (...) appartenante cy-devant à l'Emigré Vassy (...) faitte valloir par Loüis Blanchetierre", en 4 pages :

Inventaire révolutionnaire de la "ferme de la Tierrière".

- de la "ferme de la Guerche (...) louée par l'émigré Vassi", en 6 pages de très mauvaise qualité et qui ont bu l'encre ::

Inventaire révolutionnaire de la "ferme de la Guerche".

- de la "ferme du Tertre Linot (...) provenant de l'Emigré Vassi et loüée avec la ferme de la Guerche aux citoïens Sablerie (?)", en 4 pages ::

Inventaire révolutionnaire de la "ferme du Tertre Linot".

- de la "ferme de la Guiardiére (...) appartenante cy-devant à l'Emigré Vassy de Bressey et faite valloir par le citoïen Jean Grippon" (sic, sans doute un ancêtre de Roger GRIPPON qui a exploité cette ferme jusqu'à ces derniers mois...), en 12 pages ::

Inventaire révolutionnaire de la "ferme de la Guiardiére".

- de la ferme du "Bois Tillard (...) provenant de l'Emigré Vassi Bressé et louée à Siméon le Sellier", en 6 pages :

Inventaire révolutionnaire de la ferme du "Bois Tillard".

Bien entendu, je tiens les photos de toutes ces pages à la disposition de ceux qui me les demanderaient (je les enverrais par courriel).

A signaler que les transcriptions des trois premiers documents ont été fournies ici, dans un message du 21 novembre dernier.

Lors d'une prochaine intervention, je traiterai des inventaires des biens meubles.
Les archives départementales de l'Orne conservent, sous la cote 1 Q 1052, deux inventaires révolutionnaires des biens meubles de la Chaslerie.

Le premier document est un constat établi à la suite d'une dénonciation. Voici la photo de la première des cinq pages de ce document, écrit sur un papier timbré de la fleur de lys entourée de l'inscription "La Loi" :

Première page de l'inventaire du 5 août 1792".

Et voici sa transcription :

Le second document est un inventaire du 15 septembre 1792, dressé en vue d'une "vendue" :

Et voici sa transcription :

Je retiens que, selon ces deux documents, il ne restait plus de meubles de valeur à la Chaslerie dès cette époque, à l'exception peut-être des ornements de la chapelle.

Je remarque également que le fermier GOUPIL qui occupait alors le manoir avait une belle signature, témoignant de son instruction.
Aux archives départementales de l'Orne, Jean-Claude MARTIN a attiré mon attention sur deux documents qui viennent d'entrer dans ses collections.

Il s'agit de deux pièces d'un procès qui opposa, apparemment en 1667, les religieux de Lonlay au seigneur de la Chaslerie.

Le premier document comporte dix pages. En voici la première :

Le second tient sur la seule page suivante :

Il semble qu'il y soit question d'une contestation sur le "droit de présentation" à l'église de La Haute Chapelle, entre les religieux de Lonlay et Jacques LEDIN à qui, selon l'"Histoire" rapportée par ce site, ils venaient de vendre la seigneurerie de La Haute Chapelle.

Hélas, je peine beaucoup à déchiffrer ces manuscrits. L'écriture en est fleurie d'arabesques et de volutes très particulières, comme le montre par exemple la dernière page du premier document :

Donc, si un visiteur du site se sentait le talent d'un paléographe, je lui serais reconnaissant de se faire connaître pour que je lui communique les autres pages, en vue d'une transcription.
Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Lundi 29 Novembre 2010
Journal du chantier - Maçonnerie-carrelage - Bâtiment Nord - Météo - Désultoirement vôtre !
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Par un froid de -5° C, Pascal est en train de démonter le chambranle gauche de la porte extérieure du bâtiment Nord :

29 novembre 2010, la porte d'accès au bâtiment Nord.

A la visiteuse du site qui m'a dit s'y perdre entre toutes les ouvertures en cours de restauration simultanée, je destine la photo suivante, à rapprocher de celle diffusée ici le 6 novembre dernier :

29 novembre 2010, le bâtiment Nord vu de la cour.

Peu après mon acquisition de la Chaslerie, j'avais fait la connaissance de Jean de VALLAMBRAS, demeurant à Passais-la-Conception, décédé depuis lors, qui m'avait aimablement communiqué l'extrait suivant, assez pittoresque ma foi, des registres paroissiaux de la commune de la Coulonche :

Heureuse époque où l'on savait traiter ses amis avec tant d'égards !
Ce matin, dans le prolongement de mon premier message du 26 novembre, je suis allé me promener à La Haute Chapelle pour voir si je retrouvais la trace des douves indiquées chez des voisins sur le plan cadastral de 1824.

D'abord à la Foucherie :

29 novembre 2010, le manoir de la Foucherie à La Haute Chapelle.

J'aime beaucoup l'élégante échauguette de ce manoir :

29 novembre 2010, l'échauguette du manoir de la Foucherie.

Patrick et Michel BAGLIN m'ont très aimablement accueilli et offert l'apéritif :

29 novembre 2010, les frères BAGLIN devant la Foucherie.

Avec Patrick, je suis allé voir où étaient les douves, derrière le manoir. En fait, elles ont disparu il y a longtemps. Patrick m'a indiqué que, dans son enfance, la trace en était encore visible grâce à une ligne de peupliers. Il y avait aussi, là, de vieilles pales de moulin, en bois. Mais il a fallu faire place nette pour construire un bâtiment agricole.

J'ai ensuite poussé jusqu'à la Renaudière. Je n'y ai trouvé personne. J'ai cependant jeté un coup d'oeil à l'arrière du bâtiment. Là encore, les douves se sont en quelque sorte fondues dans le paysage. Il semble qu'elles aient été remplacées par une clôture de barbelés.
Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Lundi 29 Novembre 2010
Désultoirement vôtre ! - Archives, histoire, documentation - Références culturelles
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Muni du recueil sur les LEDIN qu'avait préparé Patrick DELAUNAY en 1997 (voir à l'onglet "Repères bibiographiques" de ce site) car il me donnait les cotes de documents à retrouver, je suis retourné dans l'après-midi aux archives départementales de l'Orne. J'ai bien sûr buté sur les parchemins anciens, pratiquement illisibles pour moi. Mais, une nouvelle fois néanmoins, la moisson a été excellente. Notamment grâce au "fonds Durand de Saint Front". Je mets donc de l'ordre dans mes nouvelles photographies, puis je reviens vers vous.

En attendant, conformément à nos habitudes désormais connues, je vous propose un troisième interlude de danse.

Installé à Paris à l'enseigne Saint Hélion au milieu du siècle dernier, Jean DURAND de SAINT-FRONT faisait commerce de vieux papiers. Ce proche parent du peintre MARIN-MARIE, allié aux COUPPEL donc aux LEDIN, avait notamment pour client Henri LEVEQUE, le père de mon vendeur, ainsi que le prouve la lettre suivante que j'ai retrouvée dans un classeur que, fort heureusement, mes prédécesseurs avaient laissé à ma disposition lorsque je suis entré dans les lieux :

Lettre de Jean DURAND de SAINT-FRONT à Henri LEVEQUE.

Saint Hélion a ainsi vendu, donc dispersé, nombre de documents issus du chartrier de la Chaslerie, ce qui est fort regrettable pour la compréhension de l'histoire du manoir. Il reste cependant, aux archives départementales de l'Orne, un dossier intitulé "fonds Durand de Saint-Front", rangé sous la cote 80J7, dans lequel on retrouve un certain nombre de chemises consacrées à diverses familles nobles du bocage. La chemise la plus épaisse est relative aux LEDIN. J'ai commencé à la consulter hier et à prendre la photo des documents qui, à mes yeux de profane, sont apparus à la fois lisibles et intéressants.

Ce message traitera de questions d'héraldique, un domaine où je suis parfaitement incompétent mais qui peut produire de jolies images.

Voici, pour nous remettre en jambes, l'écu des LEDIN en noir et blanc ; c'est une gravure qui doit, comme les documents anciens suivants de ce message, dater du XVIIIè siècle. Les rayures horizontales représentent le bleu ("azur") et les petits points, l'"or" :

L'écu des LEDIN.

Dans le fonds Durand de Saint-Front, j'ai trouvé également les 4 feuilles suivantes que je vous laisse découvrir (la première photo représente la seule feuille dont le verso est vierge).

Première feuille (appelons cette photo la photo A). Elle retrace, de bas en haut, la généalogie des LEDIN, de Pierre II LEDIN à François LEDIN et à ses frères et soeurs :

Recto d'une première page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front (il n'y a rien sur le verso).

Pour arriver à déchiffrer cette première feuille, mieux vaut s'aider du document suivant, tiré du recueil de Patrick DELAUNAY :

Deuxième feuille, recto (photo B). Il s'agit des armes composées d'un LEDIN qui avait, dans son ascendance, des représentantes des familles d'ORGLANDES, MUSTEL du BOSC-ROGER, LE VERRIER, ROGER de COLLIERES, CORMIER de la BINDELLIERE, de MARGUERIT et HEBERT (les indications au crayon ont été portées, manifestement, par un collaborateur du marchand Saint Hélion, désireux de proposer ces vieux papiers à des descendants en vie des familles concernées...) :

Recto d'une deuxième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Le premier à être dans ce cas fut Charles-Claude LEDIN, comme il ressort de ce second document, suite du premier, tiré du recueil de Patrick DELAUNAY :

Deuxième feuille, verso (photo C). On dirait qu'ici, le dessinateur des armes précédentes s'est entraîné à en représenter quelques motifs, dont une herse et une rose :

Verso d'une deuxième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Troisième feuille, recto (photo D). Là, c'est l'apothéose, le dessinateur nous présente, en plus des précédentes, les armes des ancêtres des ascendantes. On trouve ainsi les BROON (famille du connétable du GUESCLIN) chez les ROGER de COLLIERES :

Recto d'une troisième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Troisième feuille, verso (photo E). On pourra se demander longtemps ce que fabrique ici un éléphant...

Verso d'une troisième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Quatrième feuille.jpg, recto (photo F). Enfin, l'interprétation par Saint Hélion des armes présentées par l'ange ci-dessus :

Verso d'une quatrième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Quatrième feuille, verso (photo G):

Verso d'une quatrième page manuscrite d'héraldique du fonds Durand de Saint-Front.

Bien entendu, tous ces écus évoquent pour moi ceux qui étaient peints jadis sur la voûte de la chapelle de la Chaslerie, au-dessus des noms des "pièces rapportées". Ces dessins du fonds Durand de Saint-Front et ces écus de la chapelle ont de bonnes chances d'être contemporains. En tout cas, ils témoignent, les uns comme les autres, de la volonté tenace de la famille LEDIN de manifester l'ancienneté et la qualité de sa noblesse. C'est là un débat sur lequel on aura l'occasion de revenir. On le fera très bientôt, grâce notamment aux documents retrouvés aux archives départementales de l'Orne.
Pierre-Paul FOURCADE
rédigé le Mercredi 1er Décembre 2010
Désultoirement vôtre ! - Archives, histoire, documentation - Références culturelles
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Ce matin, en rentrant tôt de Paris, j'ai fait étape à Alençon, aux archives départementales de L'Orne.

J'étais là dès l'ouverture, à 8 h 30 du matin. Mais il m'a fallu attendre 9 h 45 pour pouvoir consulter les premiers documents, le temps que le préposé aille chercher les classeurs sur les étagères. Ensuite, on n'a le droit de le déranger que 3 fois au maximum par demie heure. Et il part déjeuner à midi pile, pour ne pas revenir, semble-t-il, avant 13 h 45. Bref, c'est plutôt laborieux de travailler à son rythme. Un thésard du professeur MORICEAU, qui effectuait là des recherches sur l'histoire de la culture du sarrasin, m'a dit qu'il en allait de même dans tous les services d'archives. Heureux archivistes, donc, qui vivent hors du temps ! J'ai repris la route de la Chaslerie juste après midi, loin d'avoir pu remplir le programme que j'avais eu l'audace de m'assigner.

En attendant que je trie cette nouvelle récolte, vous seriez déçus, je pense, que je ne vous propose pas un nouvel intermède de danse. Je le choisis particulièrement vigoureux et volontiers latino car il fait ici un froid de loup (-10° C ?) et j'aurais bien besoin de bouger de la sorte pour me dégourdir un peu...

Hey ! Mambo !

Je n'ai pas encore épuisé le sujet de l'écu des LEDIN que je passe déjà à la question suivante, qui lui est sous-jacente, celle de l'ancienneté de la noblesse de cette famille.

On sait que cette ancienneté a été contestée par des érudits qui, notamment depuis CAILLEBOTTE vers les années 1825 et suivantes, sont censés avoir étudié la question. Nulle part encore, je n'ai trouvé d'analyse critique sérieuse des productions intellectuelles de ces personnes et cela devrait, me semblerait-il en toute justice, atténuer la portée de leurs affirmations les plus péremptoires.

De mon côté, j'ai essayé de retrouver les documents authentiques sur lesquels ces soi-disant érudits ont prétendu s'appuyer. A ce stade, mes recherches ne font que commencer. Je ne suis pas encore allé ailleurs qu'aux archives départementales de l'Orne et j'ai déjà dit que je n'arrivais guère, en général, à déchiffrer seul les manuscrits antérieurs au XVIIème siècle. En outre, je suis rendu modeste dans mes recherches sur les LEDIN, comme dans celles de leurs successeurs qui furent aussi propriétaires de la Chaslerie, par le fait qu'avant le lancement de ce site internet, je n'avais jamais vu la photo d'un de mes deux grands-pères, ni celles de plusieurs de ses enfants, oncle ou tantes pour moi. Donc je mesure toute la difficulté qu'ont pu éprouver les LEDIN pour conserver des preuves indiscutables, qu'ils devaient régulièrement produire dans le cadre de l'"ancien régime", et qui portaient pour eux sur quatre siècles ou davantage encore.

C'est dire combien je serais reconnaissant à tous ceux qui voudraient s'exprimer sur ce sujet de ne pas hésiter à le faire, en s'appuyant le cas échéant sur l'un ou l'autre des très nombreux documents qui, depuis la saisie révolutionnaire du chartrier de la Chaslerie sans doute, semblent s'être évaporés dans la nature.

Mais, trêve de préalables méthodologiques, entrons dans notre sujet. Compte tenu des pièces que j'ai déjà pu consulter, je vous propose de commencer cette enquête par la lecture des preuves fournies en 1718, un document assez détaillé et qui a le gros avantage d'être aisément déchiffrable près de trois siècles plus tard. Pour faciliter votre compréhension de ce manuscrit, je vous propose de vous appuyer sur le document suivant, tiré du recueil de M. DELAUNAY et où j'ai encadré les noms des membres de la famille LEDIN dont il est question dans ces preuves :

La généalogie résumée des LEDIN.

Voici donc ce document remarquable, marqué en haut à gauche de sa première page du timbre du "Cabinet d'HOZIER", les généalogistes du Roi. Je vous prie de remarquer qu'ainsi officialisé, ce document ne comporte aucune mention manuscrite utile pour nous, critique ou autre, que celles portées par son rédacteur initial. Ce point est important. On y reviendra.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Preuves de noblesse de Pierre-François de LEDIN.

Bien entendu, cette semaine, Pascal est obligé par la météo de rester chez lui.

Bernard, en revanche, est venu aujourd'hui débroussailler le terrain de la Josselinière, au bord du Beaudouët, que j'avais fait planter d'aulnes glutineux il y a 11 ans déjà. Ces arbres ont bien poussé. Voici Bernard à l'oeuvre, à l'aide du tracteur Valtra :

2 décembre 2010, Bernard à la Josselinière.

Il m'a dit que, ce matin à deux reprises, un sanglier s'est approché du tracteur, comme pour le narguer. Cet animal doit se plaire à cet endroit. Comme on le comprend...

2 décembre 2010, coucher de soleil sur la Chaslerie.

A propos de l'écu des LEDIN, je vais vous conter une histoire authentique qui démontre qu'il peut même exister une vraie coopération entre les propriétaires successifs de la Chaslerie pour en favoriser la restauration et l'embellissement.

L'histoire commence en 1954. Jean DURAND de SAINT-FRONT écrivit au propriétaire à l'époque du manoir, Henri LEVEQUE, afin de lui signaler qu'une personne un peu timide avait des choses intéressantes à lui apprendre. Voici ce courrier :

Lettre du 16 novembre 1954 de Jean DURAND de SAINT-FRONT à Henri LEVEQUE.

Lettre du 16 novembre 1954 de Jean DURAND de SAINT-FRONT à Henri LEVEQUE.

"Beaucoup de patience et de diplomatie", c'est donc ce qu'il fallait, d'après Jean DURAND de SAINT-FRONT pour récupérer une de ces taques (c'est le nom exact de ces plaques de fonte).

Effectivement, Georges LEPAGE envoya quelques jours plus tard à Henri LEVEQUE la lettre suivante, à laquelle était joint le dessin remarquable d'une des taques en cause :

Lettre du 19 novembre 1954 de Georges LEPAGE à Henri LEVEQUE.

Lettre du 19 novembre 1954 de Georges LEPAGE à Henri LEVEQUE.

Lettre du 19 novembre 1954 de Georges LEPAGE à Henri LEVEQUE.

Dessin joint à la lettre du 19 novembre 1954 de Georges LEPAGE à Henri LEVEQUE.

J'ai trouvé les documents qui précèdent dans un dossier laissé en évidence par mon vendeur ou son épouse lorsque j'ai pris possession de la Chaslerie, un jour de juin 1991.

Bien évidemment, je n'ai pas tardé à me mettre en quête de l'une de ces taques, d'autant que, très rapidement, j'avais fait - je ne sais plus comment - la connaissance de Mme Yvette RIVARD, de Rânes. Le fait est qu'alors que j'avais été à l'initiative de la fondation en décembre 1991 de l'association des "Amis du manoir de la Chaslerie", le conseil d'administration de cette association nomma, dès mars 1992, Mme RIVARD "membre d'honneur de l'association (...) pour avoir aidé à repérer deux anciennes taques de la Chaslerie".

Je me souviens avoir vu celle du prêtre, représentée sur le dessin de Georges LEPAGE, dans le bourg de Rânes, chez un ancien pharmacien amateur de vieux vitraux ; celle-ci ne m'intéressait guère, en raison de l'inscription sans rapport avec la Chaslerie qui surchargeait la "fasce" de l'écu.

Quant à l'autre taque, elle se trouvait sous une grange, chez un agriculteur des environs de Rânes. Malheureusement, elle était fêlée. J'entrai immédiatement en négociation mais, très vite, la discussion achoppa car je trouvais le vendeur trop gourmand. Pour moi, l'affaire était close.

Mais, sans que je le sache, avec "beaucoup de patience et de diplomatie" comme on la connaît, Carole reprit langue avec cet agriculteur et, lors de la fête des pères suivante, elle put me faire la surprise de m'offrir ladite taque. Celle-ci trône donc désormais dans la grande cheminée du manoir :

2 décembre 2010, la taque aux armes des LEDIN.

Malheureusement, depuis 1992, sa fêlure s'est propagée sous l'effet de la chaleur des flammes et il serait grand temps de prendre un moulage de l'original pour n'exposer au feu de l'âtre qu'une copie. Si d'ailleurs un visiteur du site a des idées en la matière, ou des suggestions d'artisan à qui confier ce travail, elles sont les bienvenues.

L'histoire ne s'arrête pas là. Un point avait en effet échappé au vigilant Georges LEPAGE ; ni sa lettre, ni son dessin n'en portent trace.

Revenez donc sur la photo de la taque. Observez-la bien. En réalité, l'écu des LEDIN porte dans ses coins des protubérances bizarres. En outre, cet écu est un peu sous-dimensionné par rapport au support sur lequel il a donc été cloué selon moi. Il semble en effet que le fondeur de la taque ait disposé d'une matrice avec les deux lions, le heaume de chevalier, etc... et qu'il y ait cloué l'écu des LEDIN afin de constituer le moule utilisé pour y couler la fonte.

Mon interprétation vous semble peut-être tirée par les cheveux. Mais j'ai trouvé, figurez-vous, un argument que je pense imparable : au logis de Sainte-Marie-la-Robert, près de Carrouges, j'ai vu dans la cheminée principale de ce château antérieur à la Chaslerie une taque en tous points semblable à la mienne, à l'écu près.

Je pense qu'on peut conclure que, dès le XVIIIème siècle, le fondeur de Rânes avait industrialisé sa production pour orner les logis de ses clients, les chevaliers normands.

CQFD
J'ai trouvé aux archives départementales de l'Orne, dans le fonds "Durand de Saint-Front", un cahier de 96 pages bizarrement annoté.

En voici d'abord la couverture puis la première page du texte :

Couverture du cahier du "fonds Durand de Saint-Front".

Page 1 du cahier du "fonds Durand de Saint-Front".

Il s'agirait donc d'un inventaire préparé pour un LEDIN en 1760 des archives de sa famille. Mais il y a été ajouté que cet inventaire est passé entre les mains de CAILLEBOTTE qui y a porté des annotations. Cet ajout au crayon est donc postérieur à CAILLEBOTTE mais je n'en sais à ce stade pas plus sur le scripteur.

De CAILLEBOTTE, je sais que ce Domfrontais vivait dans la première moitié du XIXème siècle ; c'était peut-être un droguiste. Or j'ai également trouvé, aux archives de l'Orne et dans ce même "fonds Durand de Saint-Front", une note rédigée par "Me Ch. du PLESSIS" (sans doute un homme de loi de la famille du PLESSIS VAIDIERE dont j'ai rencontré des descendants chez leur cousine Marie-Françoise LAURENSOU) qui comporte des indications précieuses : le cahier en question contiendrait, en page 84, une note de ce CAILLEBOTTE indiquant que "plus de 200 titres de la famille LEDIN sont tombés entre ses mains, par suite d'une vente faite par l'administration en 1825" :

Note de Me Ch. du PLESSIS, trouvée dans le "fonds Durand de Saint-Front".

J'observe que cette note porte, dans son coin supérieur gauche, une mention manuscrite "Ledin", inscrite au crayon, de la même écriture que la mention au crayon sur le cahier de 96 pages (voir en particulier la façon de former la lettre "d").

Il est donc tentant d'imaginer que cette mention au crayon a été portée par Jean DURAND de SAINT-FRONT lui-même, ou l'un des éventuels collaborateurs de son entreprise de dispersion de manuscrits à l'œuvre de Paris au milieu du XXème siècle.

Or, si l'on se rapporte à la lettre de Jean DURAND de SAINT-FRONT à Henri LEVÊQUE mise en ligne par mon précédent message, il est clair que le premier est l'auteur des annotations au crayon sur le cahier de 96 pages (voir en particulier ses "d").

Voici qui est intéressant. Nous pouvons désormais faire le partage, dans le cahier de 96 pages en question, entre les annotations de CAILLEBOTTE et celles du commerçant en vieux papiers.

Ceci devrait nous permettre d'évaluer, en première analyse, la crédibilité à accorder à ceux qui, notamment depuis la dispersion révolutionnaire du chartrier de la Chaslerie, se sont piqués de porter des jugements prétendument définitifs sur l'ancienneté de la noblesse des LEDIN.

Je ne suis pas informé que cet effort critique ait eu lieu à ce jour. J'aurais plutôt l'impression que des érudits auto-proclamés ont fait faire boule de neige à des appréciations d'autant plus négatives que le temps passait depuis l'extinction de la lignée des LEDIN, de ce fait hors d'état de se défendre, ce qui était bien commode pour tous les esprits malveillants.

Voici qui me motiverait assez pour reprendre le flambeau !
Donc le marchand nous indique que CAILLEBOTTE a porté des mentions manuscrites en pages 5, 58 et 61 du cahier de 96 pages.

Voyons ces mentions, et d'abord la première :

Page 5 du cahier du "fonds Durand de Saint-Front".

Je lis ici que CAILLEBOTTE a réagi à l'orthographe LESDAIN figurant en bas de page. Il nous dit qu'une famille LEDIN est "native de La Haute Chapelle" et qu'elle a signé ainsi "beaucoup d'actes (...) depuis 1386 jusqu'à 1760". Autrement dit, CAILLEBOTTE ne conteste nullement que les LEDIN aient été actifs localement depuis le XIVème siècle. Dont acte !

Maintenant, la seconde :

Page 58 du cahier du "fonds Durand de Saint-Front".

Passionnant ! On dirait que le marchand allait bien vite en besogne...

Donc la troisième :

Page 61 du cahier du "fonds Durand de Saint-Front".

Hum, hum, il n'y a eu qu'un scripteur de cette page, tout ceci est-il vraiment sérieux ?

Là, je suis pris d'un doute : et si le scripteur du cahier de 96 pages était Jean DURAND de SAINT-FRONT lui-même ? J'observe les "d", ce sont bien les mêmes.

Donc la pièce la plus volumineuse du "fonds Durand de Saint-Front", ce fameux cahier de 96 pages, date lui-même du milieu du XXème siècle et il faudrait croire tout ce que nous raconte le marchand ? "Bizarre, comme c'est bizarre !" (air connu).

Même si la qualité scientifique du recensement opéré par Jean DURAND de SAINT-FRONT me paraît donc douteuse ("questionable", comme disent les Anglais), je vais cependant poursuivre l'étude de son cahier. Car un homme qui est capable d'une main à l'évidence très appliquée, d'écrire 96 pages intéressantes sur les LEDIN ne peut pas être fondamentalement mauvais. Prenons donc le temps de le lire en détail.