Message #44149

Bien sûr, il y a quelque chose de complètement dingue dans mon mode de vie, moi qui vis seul, quasiment en permanence, dans une aussi grande bâtisse et qui, en me serrant la ceinture comme un malade, engloutis jusqu'à mes derniers picaillons dans sa restauration. Moi qui, de surcroît, m'apprête à me coller une dette sur le dos jusqu'à mes 82 ans.

Je me souviens m'en être fait la réflexion dès la première nuit que j'ai passée, déjà seul, à notre manoir favori. C'était en juin 1991, j'avais donc 39 ans, je venais de signer le jour-même l'acte d'achat et, déjà insomniaque (puisque je le suis depuis le krach de 1987), dans mon lit pliant, dans la chambre qui se trouve au-dessus de la salle-à-manger du logis (toujours en travaux 28 ans plus tard), j'avais le sentiment de me retrouver seul, moi l'ancien midship, sous les étoiles, comme à la passerelle d'un immense cargo avançant, vide, dans le silence de la nuit au milieu de l'océan.

La deuxième fois où j'ai ressenti la disproportion de mon effort, ce fut lorsque, pour complaire aux normes débiles de l'administration en charge du calibrage des fosses septiques (on trouve vraiment de tout dans ce pays), j'ai vu le terrassier enfouir sous le "Pournoët" un dispositif qui ne saturerait pas si un régiment d'une quarantaine de personnes, toutes atteintes de diarrhée, occupait un jour notre manoir favori. Manifestement, le truc était grotesque pour mon usage seul mais voilà, c'était la loi et je devais régler la note sans broncher.

La troisième fois, c'est maintenant où je dois me lancer dans l'installation d'un dispositif de chauffage suffisant pour couvrir le bâtiment Nord, le rez-de-chaussée du logis et, ai-je ajouté hier dans ma définition de la première tranche à chauffer, le colombier ainsi que la chapelle (cette dernière à maintenir hors-gel). Tout cela n'est pas neutre car cela implique si, comme probable, je retiens la géothermie profonde, l'installation d'une grosse pompe à chaleur, donc, pour limiter les à-coups dans son allumage (qui sont susceptibles de causer son usure prématurée), l'interposition d'un ballon de 800 litres d'eau chaude censé jouer un rôle de tampon.

800 litres d'eau maintenue chauffée en permanence (du moins pendant les mois de chauffe) pour un homme seul, c'est énorme, viens-je de réaliser. Quasiment un mètre cube, ça en ferait des baignoires pleines (alors qu'il n'y en a toujours pas la moindre ici). Et, bien sûr, la facturation suivra, non seulement pour l'installation mais aussi pour l'électricité nécessaire pour un tel bazar.

Je ne vois pas comment m'en sortir pour programmer les travaux de restauration intérieure des pièces dont il s'agit. Une fois restaurée, chaque pièce aura besoin d'être chauffée. Mais, sans attendre que sa restauration soit achevée, je dois avoir fait poser les tubes de chauffage par le sol (ou les radiateurs), donc savoir quel revêtement de sol je prévois et quelle isolation thermique. Tant que ce chantier n'est pas suffisamment avancé, il m'apparaît idiot de risquer d'user prématurément la chaudière, donc de la brancher.

Mais, une fois la chaudière installée et allumée, je me retrouverai dans mon paquebot certes chauffé confortablement. Mais toujours seul, comme un con, comme le con que je suis et demeurerai "ad vitam aeternam" à ma passerelle sous les étoiles.

Pas simple, tout ça !

Commentaires

Lilian G
rédigé le Vendredi 25 Mai 2018
Hello,
Un autre aspect à prendre en compte, c'est la durée de vie respective des différents éléments. Le revêtement de sol est censé pouvoir durer, au minimum, un siècle. Cela parait cohérent avec la qualité des matériaux que vous avez l'habitude d'utiliser. Mais qu'en est-il de l'installation de chauffage, et de tous ces tuyaux inacessibles dans le sol ? Quelques dizaine d'années, tout au plus, et si tout va bien.

N.D.L.R. : Ce point devra être vérifié avec l'architecte.