Message #1562

Reçu ce matin, par la poste, la photo d'un article transmise par Sébastien WEIL que j'en remercie.

Il s'agit de "Notes recueillies sur l'arrondissement de Domfront, au mois d'avril 1852, par M. BLANCHETIERE, Membre de la Société Française", article publié en 1853 dans le "bulletin monumental ou collection de mémoires et de renseignements sur la statistique monumentale de la France ; 2è série, tome 9è, 19è vol. de la collection, par les Membres de la Société Française pour la Conservation des Monuments, publié par M. de CAUMONT" à Paris.

Louis BLANCHETIERE relate dans ces notes une excursion qu'il a faite dans l'arrondissement de Domfront en avril 1852. D'emblée, ces notes témoignent des préoccupations et des compétences géologiques de leur auteur, ainsi que de son intérêt pour les routes ; on peut donc se demander si ce n'était pas une sorte d'ingénieur des Ponts ou des T.P.E., comme l'on dit aujourd'hui.

Les notes relatives à la "Châlerie" occupent 10 pages du document et sont agrémentées de la reproduction de deux croquis qui doivent être de la main de Louis BLANCHETIERE. J'ai déjà commenté ces croquis hier, notamment l'un des deux, fort instructif quant à l'état du logis avant l'incendie de 1884.

Quant au texte lui-même, il est également riche d'enseignements, même si j'y relève une erreur de date, Louis BLANCHETIERE ayant cru que le logis datait de 1558, alors qu'il date de l'année de l'édit de Nantes.

On y apprend que les épis du logis étaient en terre cuite, ce que ne permettait pas de comprendre le croquis. A cet égard, la prudence manifestée par M. RONSSERAY dans son article annexé à ce site internet ne peut qu'être louée ; il a en effet pris ses distances avec les affirmations de VIOLLET-LE-DUC pour qui une couverture en ardoise devait s'accompagner d'épis en métal. C'est sans doute la proximité géographique de GER, lieu où étaient modelés ces épis, d'ailleurs avec une argile de LA HAUTE CHAPELLE, qui a permis à M. RONSSERAY de comprendre que cette industrie locale ne pouvait qu'inonder le pays de ses productions, poussant ainsi à une sorte de sur-consommation locale de ses "grès".

Louis BLANCHETIERE donne d'utiles informations sur l'occupation des bâtiments. Le "château" est "inhabité depuis la Révolution", servant "à peine à déposer des fourrages et bois" (pas étonnant que la foudre ait pu y mettre le feu en 1884...). En revanche, l'"aile gauche est aujourd'hui à peu près toute occupée par des fermiers", écrit-il.
"Presque tout le château" est recouvert d'ardoises, ce qui confirme qu'il y avait aussi de la tuile sur certains bâtiments sur cour (on le sait aussi grâce à une photo ancienne des écuries et du colombier).
Le logis comporte une "cuisine à très-grandes dimensions", sans doute la salle-à-manger actuelle puisqu'un four est toujours visible dans sa cheminée.
Le rez-de-chaussée et le "premier étage" (il y en avait donc un second, ce qui confirme la présence de grandes lucarnes) du logis sont "pavés en briques carrées", revêtement qui a aujourd'hui totalement disparu (sauf dans un coin de la cage d'escalier).

Louis BLANCHETIERE s'est beaucoup intéressé à la chapelle et à son décor intérieur. Il écrit en particulier : "Sur les murs se trouvent des fragments de peintures à fresque" (erreur, ce ne sont pas des fresques mais des peintures murales, obéissant à une autre technique ; les fresques sont peintes quand l'enduit n'est pas encore sec, contrairement aux peintures murales) "d'un fort bon style ; mais dont il est impossible de reconnaître les sujets, tant elles ont été détériorées par le temps et par le choc des fagots que les fermiers y déposent" (comme si le logis ne leur avait pas suffi, hélas !). S'ensuit une description de ces décors qui montre que, durant le siècle et demi suivant, les dégradations se sont poursuivies, Louis BLANCHETIERE ayant d'ailleurs compris que "Ce qui a malheureusement hâté la destruction de ces intéressantes décorations, c'est le peu de solidité de l'enduit qui les supporte. En effet, il n'est formé que d'une mince couche d'argile recouverte d'une pellicule de chaux, le tout cédant au moindre choc. Il est probable que cet enduit n'avait pas été fait en vue d'y appliquer des peintures, mais que l'artiste officieux, hôte du châtelain, aura, sans préparation, jeté à l'improviste ses heureuses conceptions sur les murs tels qu'il les a trouvés" (ici, je précise que cet artiste était en fait tombé amoureux de la servante du manoir qu'il a fini par épouser, un LEDIN lui servant même de témoin).
A la fin de ses notes sur la chapelle, Louis BLANCHETIERE s'intéresse aux noms peints sur les sablières intérieures de la chapelle, notamment ACHARD, LEVERRIER, FORTIN et de COURCELLES, CORMIER, COUPEL, ainsi qu'à Pierre IV LEDIN (à qui, s'étant trompé de dates comme on l'a dit, il attribue à tort la reconstruction du logis), Charles-Claude LEDIN et Pierre-François LEDIN.

En fin d'article, Louis BLANCHETIERE complète sa description du site de la Chaslerie et précise que les douves avaient "au moins 10 mètres de largeur et 2 mètres de profondeur" (il négligeait leur envasement, voir photothèque jointe), que "les fermes" (sans doute la ferme et la cave, pour reprendre ma terminologie) voisinaient un verger, et que des "charmilles alignées ombrageaient le jardin" (ce sont ces dernières remarques, que j'avais déjà lues, rapportées par un autre érudit local, qui m'avaient conduit à faire replanter un verger et des charmilles alignées à la Chaslerie).

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