Histoire

La Chaslerie est bâtie à proximité d’un lieu-dit dénommé Guéviel et l’on peut imaginer qu’une famille a pu s’établir là pour défendre un gué sur l'Egrenne et s’enrichir progressivement en prélevant un péage sur les visiteurs de l’abbaye bénédictine de Lonlay. Cette dernière fut fondée vers 1015 par Guillaume 1er de Bellême et confiée alors à un abbé cousin d’Hugues Capet.

Lonlay


Avant la Révolution de 1789, la Chaslerie appartenait aux Ledin, dont les armes étaient « d’azur fascé, à trois étoiles en tête, un cœur en pointe, le tout d’or ». Cette famille s’était élevée progressivement au sein de la noblesse, notamment grâce à ses alliances (ainsi qu’en témoignent encore les inscriptions peintes sur les sablières, à l’intérieur de la chapelle du manoir). Divers Ledin ont occupé la charge de vicomte de Domfront, jugeant ainsi en première instance les affaires des roturiers.

Ecu des Ledin


A la Révolution, le chartrier de la Chaslerie fut saisi ; par la suite, il fut, au mieux, progressivement dispersé. Une partie importante s’en trouve désormais aux Archives de l’Orne (en particulier au sein du fonds Durand de Saint-Front), en attente d’exploitation méthodique. En outre, alors qu’en termes de féodalité, la Chaslerie relevait de la baronnie de Lonlay, les archives de cette abbaye (distante d’environ 5 km de la Chaslerie) ont brûlé ou ont été pillées à plusieurs reprises sous l’Ancien Régime. Dans ces conditions, l’ancienneté de la noblesse des Ledin n’est plus connue avec certitude. On doit donc s’en remettre aux travaux d’érudits locaux qui, depuis Caillebotte (de la famille du peintre), ont étudié le sujet.

On sait qu’à la suite de divers succès militaires aux sièges de Honfleur, de Chartres et de Falaise, René Ledin obtint, le 12 février 1604, confirmation de son ancienne noblesse par le roi Henri IV.

Cette confirmation fut renouvelée en janvier 1611 par Louis XIII sous forme de lettres « à double visage » ; après les épreuves des guerres de religion, l’Etat était alors en cours de réorganisation, de sorte que cette formule signifiait que, si la noblesse du bénéficiaire des lettres patentes était ancienne, alors elle était confirmée ; à défaut, elle était acquise.

Le donjon du château de Domfront


On peut penser que René Ledin était un homme habile : c’est en effet lui qui gérait les intérêts privés de Sully à l’abbaye de Lonlay. René Ledin fit construire le logis actuel de la Chaslerie en 1598 (c’est-à-dire l’année de l’Edit de Nantes qui marqua la fin d’une guerre civile et le début d’une période de prospérité où, comme aimait à le dire Sully, « labourage et pastourage (étaient) les deux mamelles de la France »).

En 1727, en vue de leur admission comme pages de la Petite Ecurie, Pierre-François Ledin et l’un de ses cousins eurent à présenter à d'Hozier, généalogiste du roi, un dossier sur l’ancienneté de leur noblesse. Les notes abrégées de d’Hozier furent ultérieurement interprétées par des érudits locaux comme témoignant de son scepticisme devant ces prétentions ; ceux-ci sont d’avis que l’enrichissement des Ledin ne date que de la fin du 16ème siècle, suivie de leur anoblissement au début du 17ème.

Ainsi, d’après le dossier rassemblé par Pierre-François Ledin, le premier Ledin répertorié en Normandie aurait été Pierre 1er Ledin, écuyer et châtelain du château de Domfront, qui aurait rendu aveu de sa terre et seigneurie de la Chaslerie le 1er août 1381 aux abbé et religieux de Lonlay. La Chaslerie constituait à l’époque un quart de fief de haubert, ce qui est modeste. Caillebotte (qui, au début du XIXème siècle, fut en possession de l'ancien chartrier de la Chaslerie) affirme que Pierre 1er Ledin fut gouverneur de Domfront et rendit dans ce rôle en 1382 de tels services au suzerain, le Comte d’Alençon, que celui-ci l’autorisa à apposer ses armes sur celles de Domfront (ainsi qu’en témoignait un vieux vitrail du château de Domfront, aujourd’hui disparu).

L'ancien écu de Domfront


Comme nombre de ses descendants, Pierre 1er Ledin aurait été inhumé dans l’église de Notre-Dame-sur-l'Eau où serait déposé son gisant, le seul subsistant dans le département de l’Orne : ses pieds sont posés sur un lion, symbole de bravoure, mais ses armes (attestées là par un témoignage de 1663) ont été rendues illisibles, sans doute à la Révolution.

Le gisant de Pierre 1er


Les successeurs immédiats de Pierre 1er Ledin auraient connu de sérieux revers de fortune, notamment lors d'une occupation anglaise durant la guerre de cent-ans.

Lors de la sixième guerre d’Italie, Thomas Ledin, fils de Pierre III, aurait été tué à la bataille de Pavie (en 1525, à la suite de laquelle François 1er, emmené prisonnier, déclara : « Tout est perdu, fors l’honneur ! »).

Sous les ordres de Matignon, Pierre IV Ledin combattit avec fougue Montgomery qui occupait Domfront en 1574 (année où ce régicide involontaire d’Henri II fut capturé et exécuté) ; il en fut établi capitaine dès la reprise de la place ; il fit restaurer Notre-Dame-sur-l’Eau, qui avait été pillée et brûlée en 1576 par les protestants et refondre les cloches que Montgomery avait fait rompre.

Notre-Dame-sur-l'Eau à Domfront


Pierre IV Ledin fut gentilhomme de la Chambre d’Henri III et capitaine des chevau-légers.

René Ledin, déjà cité, était le fils de Pierre IV Ledin.

François Ledin, fils de René, acheta la charge de vicomte de Domfront.

La vicomté de Domfront


En 1661, les religieux de Lonlay cédèrent à Jacques Ledin, fils de François, la seigneurie de La Haute Chapelle. Le 24 février 1663, la terre de la Chaslerie fut érigée en plein fief de haubert.

Par mariage, Pierre V Ledin dit Monsieur de La Haute Chapelle, fils de Jacques, devint seigneur haut justicier de Clécy, La Villette, Saint Lambert, Saint Rémy et baron de la Landelle.

Le fils de Pierre V, Pierre-François Ledin fut, après son oncle Charles-Claude, gouverneur de Domfront ; il avait précédemment été capitaine de la compagnie de la Châlerie au régiment d’Harcourt-Dragons.

Au 18ème siècle, les Ledin possédaient une partie importante de ce qui constitue le territoire actuel de la commune de La Haute Chapelle, avec des extensions notamment sur Lonlay l’Abbaye (avec l’orthographe de l’époque, il s’agissait entre autres, outre la Châlerie, de la Guyardière, la Bouvrie, la Josselinière, la Fouésonnière, le Deffuits, le Bois-Tillard, la Basse-Bunoudière, la Richardière, la Barlière, la Guerche, la Roche-au-Veque, le moulin de Choisel, le Chemin-Grippon, la Renaudière, la Haute Boudière, le Rocher, la Pichelerie, les Ecotries, la Bourbrie, les Bruyères d’Egrenne, le Tertre-Ygnot, le Champ-Pétron, la Bardouillère, la Boudinière, la Mangeantière, Limbergère, le bourg de La Haute-Chapelle, etc…).

Comme Pierre-François Ledin n’eut pas de fils, la Chaslerie « tomba en quenouille » et passa à son gendre, Louis-Marie de Vassy, comte de Brécé et de Pirou, seigneur de la Forêt-Auvray et de Celland. Ce dernier, qui termina sa carrière comme maréchal-de-camp nommé par Louis XVIII en 1815, avait été député aux Etats-Généraux de 1789 puis avait émigré, de sorte que la Chaslerie fut vendue comme Bien National.

Dictionnaire de la noblesse par François-Alexandre Aubert de la Chesnaye des Bois


La famille Levêque, des gens de robe originaires de Saint Mars d’Egrenne, en devint ultérieurement propriétaire et la conserva près de deux siècles.

En 1991, M. et Mme Pierre-Paul Fourcade firent l’acquisition de la Chaslerie.